3. Q. Les pronoms personnels

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On peut distinguer deux catégories de pronoms personnels: les pronoms personnels forts (ou toniques) et les pronoms personnels faibles (ou atones).


Les pronoms personnels forts (ou toniques)

Formes

Les pronoms personnels forts
1ère personne singulier jo 1ère personne pluriel nosautes, -as
2ème personne singulier tu 2ème personne pluriel vosautes, -as
3ème personne singulier eth, era 3ème personne pluriel eths, eras
3ème personne réfléchi si

On trouve également les formes simples nos, vos, au lieu de nosautes, -as, vosautes, -as.


Emploi: pronoms personnels sujets

  • À l'exception de si, les pronoms personnels forts s'emploient comme pronoms sujets. La personne étant déjà marquée par la désinence du verbe, on les emploie pour insister, préciser ou opposer. Le pronom personnel n'est ni séparé du verbe par une pause à l'oral, ni séparé de lui par une virgule à l'écrit:

Jo que'us coneishi a tots, o quasi! (Javaloyès): "Je les connais tous, ou presque!"

Era que'u hreguè en passant. "Si ns’an vists arrés aqueste matin, çò qui ne van pas díser!" Eth que haucè las espatlas. "Tu que te’n fotes, n'ès pas d'ací." (Peyroutet): "Elle le frôla en passant. "Si on nous a vus ce matin, qu'est-ce qu'on ne va pas dire!" Il haussa les épaules: "Tu t'en fous, tu n'es pas d'ici."

Tu que saps çò qui saps e jo que sèi çò qui sèi. (Hustach): "Tu sais ce que tu sais et je sais ce que je sais."

Los aujòls que son mòrts, e jo qu'èi los peus blancs! (Césérac): "Les aïeux sont morts, et j'ai les cheveux blancs!"

Que demandaràs aus vesins çò qui'us a costat. Lhèu un milion, sinon mei. — Non, pas tant; era que m’a dit cinc cents milas. (Palay): il est question des voisins (un couple, homme et femme); la réponse précise era parce qu'il est question de la femme, de la voisine.

  • Il arrive néanmoins, assez rarement, qu'une pause, à l'oral (une virgule à l'écrit), sépare le pronom personnel sujet du verbe; dans ce cas, l'insistance est beaucoup plus forte:

Eth, qu'a la cara d’òste. (Camélat): "Lui, il fait bonne figure" [≠ Eth qu'a la cara d'òste: "Lui fait bonne figure"]

  • Après un nom auquel il renvoie, le pronom sujet est souvent encadré par des virgules:

Lo pair, eth, que's hicava en dever d'alugar lo huec. (Camélat): "Le père, lui, se mettait en devoir d'allumer le feu."

Que s'ac avèn tà Margoton qui mei que mei, era, coava lo tison e s'estujava. (Camélat): "Elles parlaient de Margoutou qui, elle, surtout, restait au coin du feu et se cachait."

  • Contrairement à ce qui se passe en fr., les pronoms personnels forts peuvent aussi s'employer, toujours pour insister, préciser ou opposer, avec l'infinitif, le participe et l'impératif:

Tà non pas aver a me'n pentir mei tard que't demandi de tuar tu aqueste poret. (Isabèu de la Valea): "Pour ne pas avoir à m'en repentir plus tard je te demande de tuer ce poulet." [que ce soit toi qui le tues et pas moi]

En i vienent vos, tà las seguir?... (Casebonne): "En y venant, pour les suivre?..."

Digatz vos çò qui avetz vist. (Bouzet): "Dites ce que vous avez vu." [vous, à qui je donne la parole]

  • Contrairement à ce qui se passe en fr., les pronoms personnels forts employés comme sujets peuvent se placer avant ou après le verbe, sauf avec l'infinitif, le participe et l'impératif où ils se placent toujours après:

E vòs qu'ac hasqui jo? (Bouzet): "Veux-tu que ce soit moi qui le fasse?"

Quin èi jo hèit tà non pas vede't tau com ès? (Sabalot): "Comment ai-je fait pour ne pas te voir tel que tu es?"

E qu'estoc eth lo bon haur !... (Saint-Bézard): "Et c'est lui qui fut le bon forgeron!"

  • À la différence du fr., le pronom jo, accompagné d'autres pronoms sujets ou de noms, peut se placer en tête sans que cela soit senti comme impoli:

A part jo e tu, i a pas mès que canalha sus tèrra. (Bladé): "À part toi et moi, il n'y a pas plus canaille sur terre."

Jo e Arnauda (Isabèu de la Valea): "Arnaude et moi"

  • L'idée d'insistance peut être renforcée par medish:

Arantxa, aprovar atemptats, com las toas amigas..., e com tu medisha as tostemps hèit davant jo... (Arantxa): "Arantxa, approuver des attentats, comme tes amies..., et comme toi-même tu as toujours fait devant moi..."

Nosauts medishs nos trufam d'era. (Garros): "Nous-mêmes nous moquons d'elle."

  • Nos et vos s'emploient rarement, mais vos s'emploie pour le vouvoiement, au singulier:

Que carrejatz lo dòu, vos qui 'stetz la gaujor! (Palay): "Vous portez le deuil, vous qui fûtes la joie!"

Lorsqu'on vouvoie plusieurs personnes, on emploie vosautes, -as.

Nos s'emploie pour le pluriel de majesté.

  • Au lieu de nosautes, vosautes, on trouve souvent, en Béarn et en Lavedan, nosauts, vosauts pour les deux genres. Plus localement, on trouve aussi nosautis, nosauti, nosaus, nosais, et de même vosautis, etc.


Emploi: pronoms personnels compléments

  • Les pronoms personnels forts, si compris, s'emploient aussi en fonction de complément, après une préposition:

Que vas disnar dab jo. (Yan Palay): "Tu vas déjeuner avec moi."

  • Ils s'emploient, avec la préposition qui convient, plutôt que le pronom faible correspondant, lorsqu'il s'agit de marquer une insistance, une précision ou une opposition:

Princessa, a tu tostemps posque eth bonur escair! (Sarrieu): "Princesse, à toi toujours puisse revenir le bonheur!"

C'est notamment le cas de ceux de la troisième personne, qui permettent de clarifier de qui il est question, de deux personnes:

Eth que's prenó lo pòrtahuelha dehens la pòcha de devath la vèsta; que'n tirè un portrèit qui balhè ad era en díser un simple mot: "Espiatz." (Casebonne): "Il prit son portefeuille dans la poche sous la veste; il en fit sortir un portrait qu'il lui donna en disant un simple mot: "Regardez.""

  • Si, pronom réfléchi, renvoie au sujet de la proposition lorsque celui-ci est indéfini, ou pour exprimer une généralisation; il est souvent renforcé par medish:

cadun per si e Diu per tots (Larroque): "chacun pour soi et Dieu pour tous."

Qu'ei enqüèra har bona politica que de préner consciença de si medish. (Badiolle): "C'est encore faire de la bonne politique que de prendre conscience de soi-même."

Qu'èm sovent avugles tà çò de si. (Camélat): "Nous sommes souvent aveugles pour nos propres affaires."

  • Contrairement à ce qui se passe en français, il peut aussi renvoyer au sujet de la proposition quel qu'il soit, sans distinction de genre ou de nombre, concuremment avec eth, era, eths, eras:

Libre ad eth de créder que lo cèu e la tèrra, lo sorelh e las estelas que's son hèits si medishs. (Badiolle): "Libre à lui de croire que le ciel et la terre, le soleil et les étoiles se sont fait eux-mêmes."

E de saunejar shens paus au bèth parçan pergut e de non pas aver davant si sonque los teits negres, las cheminèjas ahumadas... (Lafore): "Et de rêver sans cesse au beau pays perdu et de ne pas l'avoir devant elle à part les toits noirs, les cheminées enfumées..."

Lo cledon que's barrè de si medish au darrèr de jo. (Lapassade): "Le portail se ferma de lui-même derrière moi."

Laròsa, lo mei mèste de si medish, que disó a la dauna çò qui èra arribat au Clòt Esmalit. (Sabalot): "Larose, le plus maître de lui-même, dit à la patronne ce qi était arrivé au Clot Esmalit."

  • En ancien gascon, il y avait à certaines personnes des formes spéciales de pronoms forts compléments, distinctes des pronoms forts sujets; on disait ainsi a mi, a tu, a lui, ad era, a nos, a vos, a lor, et a si pour le pronom réfléchi; ces formes se sont maintenues jusqu'au XVIe siècle, voire plus tard dans certains parlers:

Tres temps en l'an, aparescan totz los baroos dabant mi. (Récits d'Histoire Sainte): "Trois fois dans l'année, que paraissent tous les barons devant moi."

l'enfant qui ere ab luy (ibid.): "l'enfant qui était avec lui."

Lo poble me dixo que, en totes guises, volen rey dabant lor. (ibid.): "Le peuple me dit qu'il voulait à tout prix un roi face à lui."

Et quant jo aure birades las gentz soberdites dabant tu... (ibid.): "Et quand j'aurai fait venir les gens en question face à toi..."

Talha Moysen dues taules a forma de las prumeres, et lheba-s de noeytz, et puya en lo mont de Sinay, segont lo mandament de Diu et porta ab si las taules. (ibid.): "Moïse tailla deux tables ayant la forme des premières, il se leva en pleine nuit, et il monta au mont Sinaï, selon le commandement de Dieu, en portant sur lui les tables."

Praubeta de mi! (Sarrieu): "Pauvre de moi!"


Les pronoms personnels faibles (ou atones)

Formes

Les pronoms personnels faibles
FORMES PLEINES FORMES ÉLIDÉES FORMES ENCLITIQUES
1ère personne singulier me m' 'm
2ème personne singulier te t' 't
3ème personne singulier, masculin, COD lo l' 'u
3ème personne singuler, féminin, COD la l'
3ème personne singulier, neutre, COD ac
3ème personne singulier, COS lo l' 'u
1ère personne pluriel nse ns' 'ns
2ème personne pluriel vse vs' 'vs
3ème personne pluriel, masculin, COD los 'us
3ème personne pluriel, féminin, COD las
3ème personne pluriel, COS los 'us
3ème personne, réfléchi se s' 's
pronom adverbial ne n' 'n
pronom adverbial i

V. aussi ci-dessous, 2.4.


Place des pronoms faibles

  • Les pronoms personnels faibles ne s'emploient que conjointement à un verbe, soit qu'ils le précèdent (cas général), soit qu'ils le suivent (cas de l'impératif et du participe présent, parfois du gérondif et de l'infinitif):

Quan lo mandan paraulas d'admiracion suu son còrps, que'us respon, que'us hè rampèu. (Javaloyès): "Quand on lui adresse des paroles d'admiration sus son corps, elle leur répond, elle leur tient tête."

Puish... que deu tornar-se'n tà Castèthnau d'Arri on, sentint-se miaçat per la negra segaira, publica los Grilhs (1889) o los Cants del Sorelh (1891). (Camélat): "Puis... il doit rentrer à Castelnaudary où, se sentant menacé par la noire faucheuse, il publie los Grilhs."

Espia'u, que l'as aquiu... (Al-Cartéro): "Regarde-le, il est là..."

  • Lorsqu'ils sont employés avec un gérondif, les pronoms personnels faibles peuvent suivre en ou la forme verbale:

En se virant, qu'avè devant era lo bòsc shens fin, 'cò [dinc a] Labastida. (Hustach): "En se tournant, elle avait face à elle le bois sans fin, jusqu'à Labastide."

Que's sarrà e en plegant-se lo còrps, que'u dishó... (Hustach): "Il s'approcha et en pliant le corps, il lui dit..."

  • Lorsqu'ils sont employés avec un infinitif, les pronoms personnels faibles ne peuvent précéder celui-ci que s'ils peuvent se rattacher à une préposition ou un mot interrogatif, plus rarement les conjonctions de coordination e et o, et d'autre part un verbe à l'impératif:

Qu'ei lo dia de'ns divertir. (Sabalot): "C'est le jour de nous amuser."

sense's bàter (Camélat): "sans nous battre"

Perqué'vs tant plànher de la causa? (Fablas causidas): "Pourquoi vous plaindre de la chose?"

Qu'avetz amics de la hauta societat a non saber mei qué'n har. (Sarrailh): "Vous avez des amis de la haute société à ne plus savoir qu'en faire."

Apuish aver parlat de hèra d'autas causas e s'estar drin ashualats... (Larroque): "Après avoir parler de bien d'autres choses et s'être un peu reposés..."

Lèisha'm te díser que chic de temps a, que'm trebuquèi dab un *abè. (Uei en Bearn) [Lèchem te dise que chic de tems-a, que’m trébuquèy dab û abè]: "Laisse-moi te dire qu'il n'y a pas longtemps, je suis tombé sur un abbé."

Ça-vietz vse cuélher lo carbon. (Badiolle): "Venez vous chercher le charbon."

N. B.: 1) C'est ainsi sans doute que s'explique une forme comme Vòs te carar!, sentie comme un impératif.

2) Per prend la forme pe' devant 'u et 'us:

Que comencè pe'us embarrar. (Bouzet): "Il commença par les enfermer."

On peut aussi employé per inchangé avec la forme pleine:

Que comencen per lo gahar ad aqueth! (Bouzet): "Qu'ils commencent par l'attraper, celui-là!"

  • Lorsqu'ils sont employés avec un infinitif négatif, les pronoms faibles se placent après celui-ci ou, le plus souvent, s'intercalent sous leur forme pleine entre non pas et la forme verbale:

de non pas ne trobar lo perqué (Palay): "de ne pas en trouver le pourquoi"

Que l'a plantat, shens lo benedíser, entà non pas lo portar malur. (Larroque): "Il l'a laissé en plan, sans le bénir, pour ne pas lui porter malheur."

Jo qu'aimarí miélher de non pas ac véder. (Palay): "Je préférerais ne pas le voir."

tà non pas trompà's (Lalanne): "pour ne pas se tromper"

  • * Il existe dans certains parlers, pour les verbes qui peuvent être suivis d'un infinitif, un emploi pléonastique qui consiste à placer le pronom faible devant le verbe conjugué, puis à le répéter après l'infinitif. Bien qu'on en trouve des exemples chez les plus grands écrivains, nous déconseillons cet usage:

Que'u volerí dà'u ua estrea. (Camélat): "Je voudrais lui donner un pourboire."


Emploi des diverses formes (règle commune)

  • Les pronoms faibles sont généralement employées sous leur forme élidée ou enclitique, lorsqu'il en existe.
  • Quelle forme employer? Si le verbe auquel se rapporte le pronom faible commence par une voyelle, on emploie la forme élidée:

Bertran qu'admet que vs'a hèit avanças. (Peyroutet): "Bertrand admet vous avoir fait des avances."

t'empalar. (Tousis): "Va t'empaler."

Cependant, los, las, ac et i n'ont pas de forme élidée.

  • Si le verbe commence par une consonne et que le mot précédent -généralement un énonciatif ou la négation ne ou non, parfois un mot interrogatif ou une conjonction, voire, dans le cas d'un infinitif, une préposition, ou encore un impératif- se termine par une voyelle, on emploie la forme enclitique:

Que't vas anar hicar au miei d'aquera batsarra? (Arantxa): "Tu vas aller te mettre au milieu de ce bordel?"

pusque's passejava (Camélat): "puisqu'il se promenait"

Qu'arribi deu peís on l'Ocean d'argent / brama o's jumpa aimador, lecant la riba rossa. (Palay): "J'arrive du pays où l'Océan d'argent hurle ou se balance aimant, léchant la rive rousse."

Qu'anàvam amassa, mainadas e mainats, escotar dauna Labarta a'ns parlar de Diu. ('L'òrra istoèra d'un hilh de Gelòs): "Nous allions ensemble, filles et garçons, écouter Mme Labarthe nous parler de Dieu."

'ns tornar plenhar la charra! (Al-Cartéro): "Va nous remplir la dame-jeanne!"

Avec un autre mot, on est obligé de placer le pronom faible après l'infinitif:

Jo, anà'i, jo apotjar-m'i, jamei! (Camélat): "Moi, y aller, moi m'y rendre, jamais!"

Cependant, la, las, ac et i n'ont pas de forme enclitique:

Que la coneishi de longtemps a! (Courriades): "Je la connais depuis longtemps!"

  • Si le mot qui suit le pronom faible commence par une consonne et que le mot qui précède finit aussi par une consonne, on emploie la forme pleine:

Lo mèste quan lo parlèi que'm responó dab trufanderias e maishantas rasons. (Bouzet): "Le patron quand je lui ai parlé m'a répondu par des moqueries et de mauvaises raisons."

Lo boès recaptat e lo torn hèit a la cosina, on nse suenhèn bèth drin plan... (Pucheu): "Le bois rangé et le tour de la cuisine, où on nous a très bien soignés, fait..."

Vèn lo véder.: "Va le voir."


Autres formes et règles

  • Dans une zone à cheval sur une frange est du Béarn et ouest de la Bigorre, nse n'a pas de forme enclitique:

E dejà qu'èm a la poesia, sèt pèças que nse son auheridas. (Camélat): "Et déjà nous sommes à la poésie, sept pièces nous sont offertes."

  • On trouve dans certains parlers (gascon noir, gascon pyrénéen oriental aranais compris) des formes dites renforcées: em, et, es, en, et, exclusivement en gascon noir, ens, evs.
  • Dans le sud et le centre du Gers, les pronoms me, te, lo, los, se, prennent les formes élidées ou enclitiques dans les mêmes conditions qu'en Béarn, mais les pronoms de 1ère et 2ème pp., mos et vos, gardent leur forme pleine dans tous les cas.
  • Plus au nord et plus à l'est, c'est nos qu'on emploie et non mos.
  • Dans l'est des Landes, 'vs et vs' se prononcent [ts] ou [dz], mais vse se prononce [be]. En outre, en Tursan, où mos est employé, il prend les formes élidée et enclitique ms' et 'ms.
  • Le nord des Landes et une frange sud de la Gironde emploient les formes nes, ves:

Nes arribava per l'autobús. (Manciet): "Il nous arrivait par l'autobus."

Ves asseguri que ns'èm enganats. (Manciet): "Je vous assure que nous nous sommes trompés."

  • À l'est de la Gascogne (Gascogne toulousaine, partie du Comminges, partie du Couserans), on trouve les formes le et les au lieu de los et los.
  • Dans le nord de la Gascogne (Gironde, nord des Landes, Lot-et-Garonne), les pronoms COS sont li au singulier et lesi ou lisi au pluriel.
  • En Aspe et en Barétous, les pronoms COS sont i au singulier et is au pluriel.
  • Dans l'ouest des Landes, le pronom COS singulier a deux formes: lo pour le masc. et la pour le fém.
  • Dans certains parlers, un pronom faible employé avec un verbe modal, anar, viéner ou tornar, suivi d'un infinitif, peut s'intercaler entre le verbe modal conjugué et l'infinitif:

Atau, los autes devèn se preparar, tanlèu son arribada, a la taula enqüèra un còp tròp grana e a las velhadas tròp longas. (Manciet): "Ainsi, les autres devaient se préparer, dès son arrivée, à la table encore une fois trop grande et aux veillées trop longues."

Fau las deishar dromir. (Belloc): "Il faut les laisser dormir."

Que tremblavi tant que voloi me n'i anar cauhar. (Manciet): "Je tremblais tant que je voulus m'en aller m'y chauffer."

Cet usage dû à l'influence du fr. est à bannir; on trouve d'ailleurs aussi la construction classique dans Manciet:

Car la vergonha, l'amarum, sèrv pas en arren de'us voler oblidar.: "Car la honte, l'amertume, il ne sert à rien de vouloir les oublier."

Voir 4. H. Les verbes qui peuvent être suivis d'un infinitif.


Emploi des pronoms faibles: gasconismes

  • Les pronoms faibles remplacent souvent les pronoms forts avec une préposition ou une locution prépositionnelle:

Dus gojats que'u s'assedón au ras. (Hustach) [= Que s'assedón au ras d'eth.]: "Deux jeunes gens s'assirent à côté de lui."

Que la me botèn au ras. (Bouzet) [= Que la botèn au ras de jo.]: "On la mit à côté de moi."

Tanben, quan sortissèva, los praubes lo venguèvan a l'endavant. (Bladé) = [Venguèvan a l'endavant d'eth.]: "Aussi, quand il sortait, les pauvres venaient à sa rencontre."

Paulà que'u se tornè sarrar tà contra. (Peyroutet) [= Que'u tornè sarrar tà contra era.] : "Paula le serra à nouveau contre elle."

  • Les pronoms faibles peuvent remplacer le possessif:

Bò, bò! tuà's la hilha per'mor d'amoretas? Mes ne'u vas pas escotar? (Camélat): "Bah, bah! tuer sa fille pour quelques amourettes? Mais tu ne vas pas l'écouter?"

E duas lagremas que m'an passat sus las maishèras. (Javaloyès): "Et deux larmes ont passé sur mes joues."


Emploi de AC

  • Ac est un pronom neutre et ne peut s'employer que pour remplacer un antécédent qui n'est ni masculin ni féminin: démonstratif neutre (açò, aquò, acerò, çò), indéfini neutre (tot), verbe ou proposition complète:

Aquò, ac cresi. (Seube): "Cela, je le crois."

Que partirèi si ac permetes. (Bouzet) [ac renvoie à partir]: "Je partirai si tu le permets."

Ac vòs saber, se perqué non se'n va? (Sarrieu) [ac renvoie à se perqué non se'n va?]: "Tu veux le savoir, pourquoi il ne s'en va pas?"

  • Ac s'emploient avec tot, neutre, lorsque celui-ci est COD:

A dus ans, que parli e qu'ac sèi díser tot. (Palay): "À deux ans, je parle et je sais tout dire."

V. aussi la fiche 3. H. Les indéfinis, 1. 1. 1.

  • Bien que le pronom remplaçant l'attribut du sujet soit d'ordinaire ne, ac remplace le mot vertat employé dans cette fonction:

Òh, Jan, se vertat èra! — Qu'ac serà! (Al-Cartéro): "Oh, Jean, si c'était vrai! — Ça le sera!"


Emploi de I

  • Le pronom i remplace un complément de lieu et tout complément introduit par a ou en:

Paulà que miè los gendarmas tau milhocar. Que i trobèn a Bertran... (Peyroutet): "Paula amena les gendarmes au champ de maïs. Ils y trouvèrent Bertrand."

de bèths libis plenhs de beròjas imatges, e que l'amuishava a i léger istoèras mei beròjas que los imatges. (Lafore): "de beaux livres pleins de jolies images, et il lui apprenait à y lire des histoires plus jolies que les images."

Qu'aimam lo patac per natura, / sovent, arren que peu plaser, / que i hèm tant qui la let e'ns dura. (Casassus) [hà'i = har au patac]: "Nous aimons la bagarre de nature, / souvent, rien que pour le plaisir, / nous nous battons tant que nous avons du souffle."

Que i saunejava. (Casebonne) [= Que saunejava ad aquò.]: "Il en rêvait."

Comparà'm a la cavala... Qu’ei polit, aquò! — Ne t'i compari pas, a la cavala... (Palay): "Me comparer à la jument... C'est poli, ça — Je ne te compare pas à la jument..."

V. aussi la fiche 4. B. Les verbes transitifs indirects

  • Il remplace parfois un complément introduit par dab ou :

Que i èran hèra maishants. [i pour dab eth, dab era, dab eths ou dab eras]: "Ils étaient très méchant avec lui / elle / eux / elles."

Tà conéguer un majorau, que s'i cau aver minjat un sac de sau. (Palay) [= Que cau aver minjat un sac de sau dab eth.]: "Pour connaître un berger en chef, il faut avoir mangé un sac de sel avec lui."

N'i cochè pas james. (L2) [= Ne cochè pas james dab era.]: "Il ne coucha jamais avec elle."


Emploi de NE

  • Le pronom ne remplace un complément de lieu exprimant la provenance et tout complément, de lieu ou autre, introduit par de:

Tot lo borg son anats véder, anueit, dab las lantèrnas. Lo doctor volè véder eth tanben. Que'n vienè. [= Que vienè deu borg.]: "Tout le bourg est allé voir, ce soir, avec les lanternes. Le docteur voulait voir lui aussi. Il en venait."

Deus trufandèrs, ci disí au men darrèr escriut, non se'n cau pas dar hèra. (Palay) [= Non se'n cau pas dar d'eths.]: "Pour les moqueurs, disais-je dans mon dernier écrit, il ne faut pas beaucoup s'en faire."

  • Il remplace tout groupe nominal à déterminant ø:

Que't dau rason... quan n'as. (Palay): "Je te donne raison... quand tu as raison."

Que t'asseguri que't va har ben. A jo que me'n hè tot còp. (Palay): "Je t'assure que ça va te faire du bien. À moi ça m'en fait à chaque fois."

Les exemples suivants, avec un nom de langue, se rattachent à ce cas:

E que parlatz bearnés? — A noste, que'n parlam tostemps. (Palay): "Et vous parlez béarnais ? - Chez nous, on le parle toujours."

E parlatz gascon, e coneishetz Jansemin? — Òc quiò! — Que i a vint e cinc ans que n'èi pas avut ne aqueth plaser ne aqueth leser de'n parlar a Napoli. (Daugé): "Parlez-vous gascon, connaissez-vous Jasmin? — Tout à fait ! — Il y a vingt-cinq ans que je n'ai eu ni ce plaisir ni ce loisir de le parles à Naples."

  • Ne remplace un attribut du sujet ou de l'objet indéfini:

B'ei las, lo praube òmi! Que n'ei despuish la mort de Na Abadia. E n'estó au davant tanben? (Javaloyès): "Il est las, le pauvre homme! Il l'est depuis la mort de Mme Abadie."

Qu'ei quauqu'un d'ací ? — Que n'ei, ja. (Palay): "C'est quelqu'un d'ici? — D'ici, oui."

Gormantòt lo de qui ètz! Non me n'aperetz mei a jo. (Camélat) [= Non m'aperetz mei gormantòt.]: "Petit gourmand que vous êtes ! Ne me traitez plus de gourmand."

N'avè pas brica la figura hroncida e roja com la n'an los nèns qui vienen de vàder. (Palay): "Il n'avait pas du tout la figure plissée et rouge comme l'ont les bébés qui viennent de naître."

Que vs'an pres per un orgulhós, o, si non vse n'an pres, quauques uns tostemps qu'ac an dit. (Palay): "On vous a pris pour un orgueilleux, ou, si on ne vous a pas pris par un orgueilleux, quelques-uns en tout cas l'ont dit."

V. aussi les fiches 4. D. L'attribut du sujet et 4. E. L'attribut du complément d'objet.

  • Ne est explétif (dénué de sémantisme) dans certaines constructions verbales: anar-se'n, tornar-se'n, viéner-se'n, emportar-se'n, envià'n, amiar-se'n, et avec mentir:

Dens la nueit, que se me n'empòrta com un esparvèr lo poric. (Lapassade): "Pendant la nuit, il m'emporte comme un épervier le poussin."

Lo gran Ausèth blanc n'a mentit. (Bladé): "Le grand Oiseau blanc ment."


Consonnes euphoniques

On trouve des consonnes euphoniques (destinées simplement à faciliter la prononciation), dans certains cas, avec AC et I:

  • Après ça-i, consonne euphonique z:

ça-i-z-ac véder! (Lalanne): "Viens le voir!"

Ça-i-z-i.: "Viens-y."

  • Après un impératif terminé par une voyelle ou un infinitif, une consonne euphonique d peut s'intercaler entre la forme verbale terminée par une voyelle et ac:

Bernat, hè-d-ac! (Javaloyès): "Bernard, fais-le!"

Hè-d-ac ath nòm dera lenca parlada / 'n eth coenh de França arrosat per Ador. (Philadelphe): "Fais-le au nom de la langue parlée / dans le coin de France arrosé par l'Adour."

Ac peut aussi, dans ce seul cas, prendre la forme 'c:

Se n'ac vòs pas, dèisha'c. (Hustach): "Si tu ne veux pas, laisse-le."

shetz cridà'c de dia e de nueit (Al-Cartéro): "sans le dire partout nuit et jour"

  • De même, après la 1ère pp. de l'impératif:

Si no'vs va pas atau, deishem-d-ac aquiu e amics com abans! (Courriades): "Si ça ne te convient pas, laissons cela et restons amis!"

V. aussi la fiche 5. B. Points particuliers de prononciation: les pronoms personnels.