3. F. Les possessifs

De Wikigram
Aller à la navigation Aller à la recherche

Il existe deux séries de possessifs en gascon. Comme dans les langues voisines, le possessif s'accorde en genre et en nombre avec l'objet possédé. Dans chaque série, les diverses formes correspondent aux six personnes de la conjugaison.


Première série: possessifs simples

Formes

1ère ps. 2ème ps. 3ème p. 1ère pp. 2ème pp. 3ème pp.
mon ton son noste vòste lur
ma ta sa nosta vòsta lur
mons tons sons nostes vòstes lurs
mas tas sas nostas vòstas lurs


Prononciation

  • Le -n final de mon, ton, son est dental; on prononce [mun], [tun], [sun]. Au pluriel, il ne se prononce pas. Le -r final de lur se prononce: [lyɾ].


Emploi

  • Ces possessifs sont utilisés uniquement comme déterminants et jamais comme pronoms.
  • Au singulier seulement, on emploie mon, ton et son devant un nom féminin commençant par une voyelle.
  • Selon Bouzet, ces formes sont "des gallicismes à proscrire. On ne les trouve que dans les actes notariés et des chansons francisées, ou chez les mauvais poètes à qui elles permettent d'économiser un pied."
  • Seuls noste, vòste existent dans la langue parlée et écrite.

A vòste servici. (Casebonne)

  • Les autres formes sont rarement employées dans la langue parlée, hormis dans quelques locutions comme Mon Diu, mon pair, mon amic (et encore, sauf dans la première on emploie plus volontiers l'autre série de possessifs) et la langue écrite les ignore largement aussi. En fait, on les trouve surtout dans des poésies du XVIIIe et de la première moitié du XIXe siècle, époque où l'influence du français n'était pas combattue par les écrivains, même si leur usage a parfois pu se prolonger au-delà de la fondation du Félibrige gascon:

Ò lenga deu bèth pèis on èi sajat mon pè... (Palay)

C'est un reste de cette influence que l'on perçoit dans ce passage en prose où l'auteur laisse parler sa fibre poétique:

Un matin estivenc, au moment qui lo dia e s'apelhava de son aubeta vermelha darrèr lo cim de la montanha, ua jaubèla que hasè son passei doriu sus l’arribèra deu gave, au parçan de Lahontan. (Lalanne)


Deuxième série: possessifs articulés; formes béarnaises

  • La deuxième forme de possessifs se compose du mot possessif proprement dit et de l'article défini, qui le précède; aussi les appelllerons-nous possessifs articulés. Nous donnons ces formes avec leur article. Toutefois, dans certains cas, on peut trouver le mot possessif accompagné de l'article indéfini, ou encore le trouver employé seul.
  • Les formes de ces possessifs varient selon les régions; nous commençons par les formes employées en Béarn.


Formes

1ère ps. 2ème ps. 3ème p. 1ère pp. 2ème pp. 3ème pp.
lo men lo ton lo son lo noste lo vòste lo lor
la mia la toa la soa la nosta la vòsta la loa
los mens los tons los sons los nostes los vòstes los lors
las mias las toas las soas las nostas las vòstas las loas


Remarques et variantes

  • Dans la zone de l'article pyrénéen, ces formes, bien entendu, présentent l'article pyrénéen: eth men, era mia, etc.
  • La loa a été formé par analogie avec la soa. Cependant, depuis quelques années se répand à l'écrit la forme la lor, plus conforme à l'étymologie.
  • Dans certains parlers, on ne dit pas la mia, las mias, mais la mea, las meas, et même, localement, la me, las mes.
  • Dans la vallée d'Aspe, on emploie comme possessifs de 2ème et 3ème ps. eth tò, era tò, eth sò, era sò.


Emploi des possessifs

  • Les possessifs articulés sont la forme généralement employée en gascon. Ils s'emploient à la fois comme déterminants et comme pronoms:

Quauque gelós, o quauque diable / lo men tresaur que m'a panat. (Fablas causidas)

Quin sabetz qu'èra la soa? (Peyroutet)

la soa beutat... las soas gràcias... a las soas aurelhas (Lalanne)

Palay que devisà de las cantas bearnesas, Casassús de la soa valea d'Aussau. (Rédaction de Reclams)

  • Lorsqu'on s'adresse à quelqu'un, deux formulations sont possibles:

- soit la construction normale:

Maria, la mea doça amiga, desbrombem-nse un tròç de passat. (Casebonne)

- soit le mot possessif postposé, avec omission de l'article:

Que soi jo, conilh men! (Javaloyès)

  • Dans certains parlers, devant pair et mair, à la 2ème et à la 3ème ps, on emploie le mot possessif sans l'article et on dit ton pair, ta mair, son pair, sa mair; de même à la 1ère et la 2ème pp, noste pair, nosta mair, vòste pair, vòsta mair. Il ne s'agit pas des possessifs simples vus plus haut, mais des possessifs articulés sans l'article: ton et son se prononcent alors [tũ], [sũ]. Le catalan connaît un usage semblable.

Que demorava sol dab sa mair. (Peyroutet)

  • En vallée d'Ossau, on emploie ta et sa à la fois devant pair et devant mair: sa pair.
  • Il arrive assez rarement que le mot possessif proprement dit se place après le nom:

Que sentín dens l'èste lor quauquarren de navèth. (Casebonne)

  • Le mot possessif, sans article, marque la possession lorsqu'il est attribut (français à moi, etc):

S'ès malaut, lo men castèth qu'ei ton. (Palay): "mon château est à toi."

B'èra mia totun? (Camélat): "Elle était pourtant à moi, n'est-ce pas?"

On peut employer aussi le mot possessif avec l'article, mais avec une nuance de sens différente:

Aqueste libe qu'ei men. "Ce livre est à moi."

Aqueste libe qu'ei lo men. "Ce livre est le mien."

  • Il n'y a pas vraiment d'équivalent à la tournure française du type "ma maison à moi"; on dira la mia maison, ou la maison mia qui peut marquer une insistance.
  • Le mot possessif peut s'employer avec l'article indéfini; il se place alors après le nom:

un amic son (Sabalot): "un ami à lui"

mei d'un amic noste (Camélat): "plusieurs amis à nous", "plusieurs de nos amis"

Dans ce cas, il est très rare que le mot possessif précède le nom:

un son purmèr cosin (Casebonne)

  • Le mot possessif peut également s'employer avec l'article neutre, en emploi pronominal:

Tà tu, çò de noste qu'ei ton. (Nadau): "Pour toi, ce qui est à nous est à toi."

V. 3. C. L'article neutre.

  • Le mot possessif peut également s'employer, placé après le nom, avec un démonstratif:

aqueth amic ton

  • Les possessifs peuvent aussi se construire partitivement; dans ce cas, le mot possessif est généralement postposé au nom:

un vesin deus mens "un de mes voisins", "un voisin à moi"

mes se d'ara enlà e vòs cafè deu men (Camélat): "de mon café"

Deus mens amics, mantun còp, que m'an arcastat de non pas arrecaptar, en un liberet, las Batalèras que lo Pierrina escrivó, dia per dia, au Patriote. (Badiolle): "Des amis à moi" (on dit plutôt: amics deus mens)

Cf. ce qui se passe parfois avec l'adjectif: 4. E. La construction partitive de l'adjectif.


Omission des possessifs

  • En français, on omet le possessif lorsqu'il est question des parties du corps ou de l'habillement, ou que le nom de l'objet possédé se réfère au sujet de la phrase:

E qu'aubrí la boca de terror. (Manciet)

Qu’atendèn lo torn. (Hustach): "Ils attendaient leur tour."

Que n'avè pres lo partit. (Bladé): "Il en avait pris son parti."

Que'm brombarèi de tu tota la vita. (Lalanne): "... toute ma vie"

Audes còps, un rei que leishà la hemna tà córrer la patantèna per l'univèrs. (Badiolle): "Autrefois, un roi quitta sa femme..."

  • Le gascon préfère aussi indiquer le possesseur, plutôt que par un possessif, par l'emploi du pronom personnel de la personne correspondante:

Un maishant òme m'a panat la hemna. (Bladé): "a enlevé ma femme"

L'*esprit que se m'envòla. (Palay): "Mon esprit s'envole"

Sovent se m'arreviran cap a tu las pensadas. (Camélat): "Souvent mes pensées se tournent vers toi."

Que vas véder si'u te vau trobar, jo, lo pòrtafulha! (Peyroutet): "Tu vas voir si je vais le trouver, moi, ton portefeuille!"

Que'u vedoi la bicicleta. (Peyroutet): "Je vis sa bicyclette."

Lo sang se m'esfredís. (Belloc): "Mon sang refroidit."

Quan se vi las bèstias esbrigalhadas... (Lalanne): "Quand il vit ses bêtes en menus morceaux..."

Que'u vòs préner la plaça. (Peyroutet): "Tu veux prendre sa place."

Que ns'an panat l'identitat, que ns'an panat l'espaci. (Lavit): "On a volé notre identité, on a volé notre espace."

Que'vs botaratz las hardas aquiu. (Bouzet): "Vous mettrez vos vêtements là."

Ce peut être le cas lorsque le sujet est une partie du corps ou de l'habillement:

Los jolhs non se'm vòlen mei plegar. (Camélat): mes genoux ne veulent plus se plier."

Tot d'un còp los uelhs que'u se son virats. (Palay): "Tout d'un coup, ses yeux se sont tournés."

La tela de la raubeta (...) que'u se lhevava a cada aletada. (Peyroutet): "La toile de sa robe se levait à chaque respiration."

  • Toutefois, le possessif est d'usage lorsque le nom est suivi d'un adjectif:

La mar que va, la mar que vien, entà jumpar mon còr dolent. (Nadau)

  • Le gascon préfère également employer un pronom personnel qu'un possessif avec les prépositions et les locutions prépositives:

Lo can de l’Artiguèra, qui l’avè reconegut, que l’anè de cap au trotet. (Peyroutet) "Le chien de l'Artiguère, qui l'avait reconnu, alla vers lui au petit trot."

Lo tribalh que lo huei au davant. (Camélat): "Le travail fuit devant lui."

  • Dans d'autres cas, le gascon emploie le verbe aver, qui marque la possession, plutôt que le possessif:

Qu'avetz la cama fina e dura! (Navarrot)

... qui non saben mes on an era Patria! (Philadelphe)

Que m'avisavi lèu de qu'avè los uelhs engorgossits. (Camélat)

  • Dans tous les cas précédents, on peut employer les possessifs, notamment pour éviter une ambiguïté, mais pas seulement:

L'oncle Pièrra, tota la soa vita, que m'a dat dus sòus e pas mei. (Palay) (toute sa vie et non toute ma vie)

Que pausaratz la vòsta tèsta sus la mea espatla. (Casebonne)

Ò vos qui empleatz lo men còr... (Casebonne)

  • À la troisième personne, lorsqu'il peut y avoir ambiguïté sur l'identité du possesseur, on emploie un pronom personnel ou démonstratif précédé de la préposition de:

Qu'ei la sòr d'era. (L2) (il y a hésitation entre une homme et une femme)

Que prengó las atrunas d'aqueste. (il y a hésitation entre deux hommes)

Il arrive parfois que l'on joue sur la place du possessif (avant ou après le nom) pour marquer des possesseurs différents:

Paulà que'u se tornè sarrar tà contra, e Vincenç que trobè los sons pòts devath la boca soa. (Peyroutet) (On aurait pu dire aussi los pòts d'era) On aurait pu dire aussi bien: los pòts d'era devath la soa boca.


Remarque sur la place du possessif

  • Avec praube (au sens de "feu", "défunt"), le possessif se place entre ce mot et le nom; on l'emploie sans article:

la prauba sa mair (Peyroutet) (ou la prauba soa mair)

la prauba vòsta mair (L'estranh)

Il en va de même avec mossur et dauna:

Mossur vòste pair qu’ei un bon veterinari. (Palay)

dauna mair vòsta (L'estranh) (ou dauna vòsta mair)


Deuxième série: possessifs articulés; formes bigourdanes

Formes

1ère ps. 2ème ps. 3ème p. 1ère pp. 2ème pp. 3ème pp.
lo mié lo tué lo sué lo noste lo vòste lo loé
la mia la tua la sua la nosta la vòsta la loa
los miés los tués los sués los nostes los vòstes los loés
las mias las tuas las suas las nostas las vòstas las loas

au mié còr (Lavit)

lo tué pas (Lavit)

eth loé cantar (Philadelphe)

la loa hèsta (Lavit)


Variantes locales

  • Dans la plus grande partie de la Bigorre, l'article employé est l'article pyrénéen eth, era; c'est alors cet article qui sert à former les possessifs articulés.
  • Le possessif de la 3ème pp est lo sué dans le nord du département, sauf en Rivière-Basse où on emploie lo son, comme dans le Gers.
  • Dans le sud-est du département, on trouve au féminin era miá, era tuá, era suá, et de même au pluriel.
  • Dans la partie centrale de la zone pyrénéenne, le possessif de 3ème pp. est eth airur.


Emploi et omission

V. la deuxième partie; les règles qui y sont données valent pour une large partie de l'Occitanie.


Deuxième série: possessifs articulés; formes gersoises

Formes

1ère ps. 2ème ps. 3ème p. 1ère pp. 2ème pp. 3ème pp.
lo men lo ton lo son lo nòste lo vòste lo son
la mia la tua la sua la nòsta la vòsta la sua
los mens los tons los sons los nòstes los vòstes los sons
las mias las tuas las suas las nòstas las vòstas las suas


Serén vengudas astan meishantas coma la sua mair. (Bladé)

Los jutges e lo borrèu hasèvan lo son mestièr. (Bladé)


Variante locale

L'est et le nord du département emploient largement les possessifs simples comme déterminants; les possessifs articulés y sont employés comme pronoms. Cette citation de Bladé nous montre les deux types de possessifs mêlés:

portar, en secret, de tas novèlas a la tua mair


Emploi et omission

V. la deuxième partie; les règles qui y sont données valent pour une large partie de l'Occitanie.


Deuxième série: possessifs articulés; formes landaises

Formes et variantes locales

  • La situation est assez complexe dans les Landes; dans le sud du département prévalent les formes articulées, alors que le nord du département emploie les possessifs simples, mais avec une répartition qui varie selon le possesif concerné.
  • mia se prononce [mi] comme attendu (chute de [ə] après voyelle tonique). Dans l'est du département existe une forme la menha.
  • Pour les possessifs de la 1ère pp., on a lo nòst, la nòsta, los nòsts, las nòstas. Nòst et nòsts se prononcent [nˈɔs].
  • le possessif de la 3ème pp. est lo son, sauf dans une zone sud contiguë au Béarn qui a lo lor, et une frange nord qui a son.


Emploi et omission

V. la deuxième partie; les règles qui y sont données valent pour une large partie de l'Occitanie.