3. S. Les relatifs
Les pronoms relatifs servent à relier le groupe nominal d'une proposition principale au verbe d'une proposition subordonnée relative. On appelle antécédent le nom ainsi relié. On distingue des pronoms relatifs simples et des pronoms relatifs composés.
Pronoms relatifs simples
Les pronoms relatifs simples sont invariables en genre et en nombre; ils sont au nombre de trois en gascon: qui, dont et on.
QUI
Qui fonctionne à la fois comme pronom sujet, attribut et complément d'objet direct. Dans les autres fonctions, il est précédé de la préposition qui convient:
Qu'ei aqueth maishant vin qui l'arroganha! (Javaloyès): "C'est ce mauvais vin qui le ronge!"
Tant i a, que crompèi Le Monde, lo sol jornau qui podèn léger estudiants dignes de se n'aperar. (Arantxa): "Si bien que j'achetai Le Monde, le seul journal que pouvaient lire des étudiants dignes de ce nom."
L'òmi dab qui s'èra pelejat qu'èra lo hrair d'aquera hemna. (L'estranh): "L'homme avec qui il s'était battu était le frère de cette femme."
com un mainatge a qui la mair refusa mascadura entà vrespèr (Larroque): "comme un enfant à qui sa mère refuse autre chose que du pain pour goûter."
... jumpat peus anjos de qui lo traç gorliva suu tapís de la crampa. (Poe, traduction de Darclanne): "... bercé par les anges dont le bruit de pas avançait sur le tapis de la chambre."
Lo noble Gaston que fení per compréner tà qui tictaquejava lo còr de la jaubèla delerada. (Lalanne): "Le noble Gaston finit par comprendre pour qui palpitait le coeur de la jeune fille convoitée."
lo Mèste deu cèu en qui crei (Palay): "Le Maître du ciel en qui je crois."
DONT
Dont équivaut à de qui et sert de relatif pour tous les compléments introduits par la préposition de:
ua auta gojata, dont la cara, l'anar e sustot la mirada, hasèn rememorià's en eth un pròche sovenir (Casebonne) [complément du nom]: "une autre fille, dont le visage, l'allure et surtout le regard, rappelaient en lui un proche souvenir"
Aqueth estiu, dont me brombarèi e qui èi aperat l'estiu de la desgràcia... (Camélat) [complément d'objet indirect]: "Cet été-là, dont je me rappellerai et que j'ai appelé l'été du malheur..."
Revenac dont èra gessit lo traductor deus Sants Evangèlis, l'abat Bidache (Camélat) [complément circonstanciel de lieu]: "Rébénacq dont était issu le traducteur des Saints Évangiles, l'abbé Bidache"
per la grana favor dont m'avetz aunorat (Yan Palay) [complément circonstanciel de moyen]: "par la grande faveur dont vous m'avez honoré"
ON
Le pronom on, "adverbe relatif", équivaut à qui précédé d'une préposition à valeur locative:
la tèrra bearnesa on èm vaduts (Sabalot): "la terre béarnaise où nous sommes nés"
Mon frair se n'es anat en ua caça, on gita tot lo gibièr que gaha, e s'empòrta lo qui pòt pas aténher. (Bladé): "Mon frère s'en est allé à une chasse, où il jette tout le gibier qu'il prend, et s'emporte celui qu'il ne réussit pas à avoir."
dens los parçans deu Vic Vilh on lo son pair ei demorat bèth sarròt d'annadas regent, dinc a la retrèita. (Camélat): "dans les contrées du Vic-Bilh où son père est resté de nombreuses années comme instituteur, jusqu'à sa retraite."
Remarques sur les pronoms relatifs simples
Remarques sur QUI
- Qui était employé avec une valeur de sujet ou d'objet dès le Moyen Âge:
Aquesta fo la prumera persona qui prenco martiri per Jhesu-Xrist. (Récits d'Histoire sainte): "Cette dernière fut la première personne qui fut martyrisée pour Jésus-Christ."
Es lo prumer filh qui egs ayen agut. (Chronique béarnaise): "C'est le premier fils qu'ils aient eu."
- Il existe dans le sud-ouest de la Gascogne une hésitation entre les formes que et qui pour les pronoms relatifs; si qui est de très loin la forme la plus employée, on trouve parfois que employé comme relatif, notamment dans çò que. Par contre, l'usage récent consistant à employer qui comme forme sujet et que comme forme d'objet direct ne correspond à aucun usage ancien ni surtout moderne de la langue (cf. ALG, t. VI, carte 2346, et ce commentaire: "Contrairement au français, le gascon ne distingue pas le relatif sujet du relatif complément"). Cet usage est donc à bannir. V. aussi la fiche La conjonction QUI, 4.
- Les prépositions a et de précédant qui sont parfois sous-entendues:
l'òmi qui't parli (cité par Hourcade): "L'homme dont je parle."
Que'n coneishi, jo, qui ne'us agradan pas tanpauc tròp las sonsainèras. (Al-Cartéro): "J'en connais, moi, à qui les geignardes ne plaisent guère."
- On emploie de qui au lieu de qui dans toute la Bigorre centrale (tout le département des Hautes-Pyrénées sauf une frange ouest et quelques communes à l'est).
- L'aire d'emploi du relatif qui (y compris sa variante de qui) englobe le Béarn, la Bigorre, le sud des Landes et la moitié ouest du Gers. Plus à l'est (est du Gers, Comminges, la forme de relatif sujet et objet direct est que, y compris dans les zones où l'énonciatif que est d'usage:
... ò tu hada des monts que hèn cap tath lhevant e que cada maitin d’abòrd daure eth solei... (Sarrieu): "... ô toi fée des monts qui sont face au levant et que tôt chaque matin dore le soleil..."
Toutefois, après l'article défini employé en fonction pronominale, c'est qui qu'on emploie dans cette zone:
Lo de vosauts qui los trobarà serà mon eiretèr. (Bladé): "Celui d'entre vous qui les trouvera sera mon héritier."
los qui se'n van e los qui se'n tornan (Bladé): "Ceux qui s'en vont et ceux qui reviennent."
- Qui pouvait avoir aussi en ancien gascon un sens neutre et être un équivalent de çò qui; cet usage persiste dans quelques locutions et expressions: qui mei ("qui plus est"), Arribe qui plante! ("Advienne que pourra!"), valha qui valha ("vaille que vaille").
- Plutôt que çò qui suivi du verbe estar, le gascon emploie volontiers l'article neutre çò de; v. 3. C. L'article neutre.
Remarques sur DONT
- Certains estiment que le relatif dont est un francisme. Pourtant, Alibert l'admet. En gascon, si on ne le trouve pas dans les Récits d'Histoire sainte (seconde moitié XVe s.), il est attesté au moins depuis la première moitié du XVIe s.: dans le dictionnaire de Lespy figurent ces citations tirées d'ordonnances du roi Henri II de Navarre, qui régna de 1517 à 1555:
instrusir ni conselhar en causes dont egs ayen a estar judges (art. Instruise): "instruire ni conseiller en affaires dont ils aient à être juges"
Alep es dit membre podat, e no es podat si s'en pot servir deu mestier dont es. (art. Alep): "On appelle alep un membre brisé, et il n'est pas brisé si l'on peut s'en servir pour le métier que l'on exerce."
Plus tard, la traduction des Psaumes d'Arnaud de Sallettes l'utilise largement:
La clara lutz dont... es torneiat: "La claire lumière dont... il est entouré"
Los toronatz e las entalhaduras dont lo temple era richement bèt: "Les moulures et les ciselures dont le temple était richement beau"
- En tout état de cause, dont est employé comme relatif sujet et objet, au lieu de qui plus au sud, dans une zone qui englobe une large partie nord des Landes et le sud de la Gironde; c'est une raison de plus pour laquelle il nous semble impossible de l'exclure en gascon:
Pren-te donc lo levami dont nos damòra. (Manciet): "Prends donc le levain qui nous reste."
Trobè tota sola la crampa deu Doctor, dont se deishudava a penas. (Manciet): "Elle trouva toute seul la chambre du Docteur, qui se réveillait à peine."
Alucaràs las candelas e totas las lampas dont tròbis. (Manciet): "Tu allumeras les bougies et toutes les lampes que tu trouveras."
Sa fonction objet peut être précisée par un pronom personnel:
E atau contunharèi jo aqueth triste raconte, donc, jo dont m'aperavan lo Maquinaire. (Manciet): "Et ainsi ce sera moi qui continuerai ce triste récit, donc, moi que l'on appelait le Maquinaire."
- En dehors de cet usage nord-gascon, dont peut toujours être, et est souvent, remplacé par de qui:
tau de qui los ahars van a la desbandada (Fablas causidas): "tel dont les affaires périclitent"
autament dit las fòrmas de qui dispòsa entà determinar lo genre, la pluralitat, la persona, lo temps, lo mòde, etc... e la faiçon de qui amassa los tèrmis entà representar los rapòrts de las ideas (Bouzet): "autrement dit les formes dont il dispose pour déterminer le genre, la pluralité, la personne, le temps, le monde, etc... et la façon dont il rassemble les termes pour représenter les rapports des idées"
- Dans la plus grande partie de la Bigorre, de qui peut donc représenter à la fois qui et dont; les deux usages coexistent, comme le montre la phrase suivante:
Qu'èm un sarròt deths de qui [= qui] cantan / eth noste endret e de qui'u [= qui'u] vantan: endret d’amor e de cèu clar, de qui [= dont] ‘r'istòria e pòt parlar. (Philadelphe): "Nous sommes beaucoup qui chantent / notre pays er qui le vantent: pays d'amour er de ciel clair, dont l'histoire peut parler."
- Pour les compléments de lieu indiquant la provenance, on peut employer d'on au lieu de dont:
Ara, que lo cantaire adret que s'ac prenga de las parts d'on vié... (Camélat): "Maintenant, que le poète habile le prenne d'où ça vient..."
- On n'emploie pas dont sans verbe exprimé et avec une valeur partitive comme en fr.; à la place, on utilise enter (ou entermiei) los quaus / las quaus) suivi du verbe estar au temps voulu:
que femnes hy abe qu'eu guoardaben de loenh enter las quaus eren Nostre Dona, et Maria Magdalena, et la may de sent Jagme et de Jozep, et Solome. (Récits d'Histoire sainte): "Il y avait des femmes qui le regardaient de loin, dont Notre Dame, Marie Madeleine, la mère de saint Jacques et de Joseph, et Salomé."
Remarques sur ON
- Le relatif on peut s'employer précédé de d' (d'on), voire de de la (on dit de l'an, de l'on):
dens l'ostau d'on hèn rostir l'anhèth negre (Bladé): "dans k'hôtel où on fait rôtir l'agneau noir"
Qu'alonguèi drin puishqu'anèi dinc a la cabina de la plaçòta de la'n atendèm l'autobús escolar. (L'òrra istoèra d'un hilh de Gelòs): "Je fis un détour puisque j'allai jusqu'à la cabine de la petite place où nous attendions l'autobus scolaire."
la beròja dauna de ua maison de l'on barrava lo bestiar e qui’u hasè guilhescas e cacalicas (Eyt): "La jolie maîtresse d'une maison où on enfermait le bétail et qui lui faisait des niches et des papouilles"
- Le relatif on n'a pas de valeur temporelle; v. ci-dessous.
La construction partitive de l'antécédent
L'antécédent du pronom relatif peut prendre la construction partitive, en étant suivi de deus ou de las:
un díser deus qui nhargan, un escarni deus qui macan lo còr, non se'n van de quauques dias de davant los uelhs (Camélat)
arrodetas de puç de las qui penen au solèr de las cosinas bearnesas (Casebonne)
los arbes sus la cantèra, arbes deus qui non coneishí pas (Javaloyès)
Les équivalents de OÙ
L'emploi du relatif on avec une valeur temporelle est assez fréquent, mais est une influence française à bannir. À la place, le gascon emploie qui (ou que, selon les lieux), ou, plutôt qu'une proposition relative, une subordonnée temporelle introduite par quan:
lo còp qui l'avèn hèit córrer (Casebonne)
a la plaça de las Armas, en 1959, lo dia qui vienó lo Generau (Javaloyès)
Qu'i a quauquarren qui'm chepica, qui m'ablada mei que lo sovier deu dia quan partii. (Javaloyès)
Pronoms relatifs composés
- Il existe en gascon comme en fr. des pronoms relatifs composés: lo quau, la quau, los quaus, las quaus, formes auxquelles il faut ajouter les formes contractées au quau, a la quau, deu quau, etc.:
Que soi jo qui'm soi pervalut de tu, entà't leishar en un parçan emposoat contra lo quau n’èras pas prevedida. (Casebonne)
ua navèra vita a la quau mei non ns'ahidàvam (Sabalot)
aquera aubèla en la quau e serí justificat (L'estranh)
- On peut employer deu quau, de la quau, deus quaus, de las quaus comme équivalent de dont:
las termièras d'aqueth navèth país deu quau se parla tant e qui a nom Occitania (Lapassade)
Que descobreishi un quessòt arroi, suberlarge, peus esperracs deu quau blanqueja la sua pèth. (Lavit)
Les relatifs sans antécédents
Il existe aussi des formes, qui et qué, qui s'emploient sans antécédent:
- Qui s'emploie avec une valeur indéfinie (= tots los qui), notamment dans certaines phrases à valeur généralisante, dont certains dictons et proverbes:
Non i a pas qui s'i hide. (Badiolle)
Tà qui n'a pruas, los aranhons que son bons. (Badiolle)
Qui mau non hè mau non pensa. (dicton)
Qui dab cans va apren a lairar. (proverbe)
Qu'avè trobat qui la comprenè. (Peyroutet)
- Répété, ce pronom a la valeur d'une alternative (= los uns... los autes):
Autant de musicaires que s'amassan peus bruishons, en escarnint qui lo siulet, qui la flahuta. (Casebonne)
- Qué s'emploie comme relatif à la suite d'une phrase affirmant ou niant l'existance de quelque chose, et comme complément d'objet:
Que i as qué díser. (Camélat)
Aquerò qu'ei devut e arrés n'i auré trobat qué díser. (Lalanne)
Totun, a la votz vòsta, non i a qué trompar. (Camélat): "... il n'y a pas de quoi se tromper, il est impossible de se tromper."
Qu'as trobat de qué minjar, l'Ensupit? (Lavit)
Les relatifs indéfinis
- Certains relatifs composés ont une valeur indéfinie: qui que, qué que, on que, auxquels on peut ajouter quau que (variable en nombre) et quin que (variable en genre et en nombre), bien que quau et quin soient des indéfinis et non des relatifs; le verbe qui suit est au subjonctif:
aus mèstes, aus vailets, a tots, a qui que sia (Al-Cartéro)
Mes qué que cerquèsse, aquera hèita qu'ei ua beròja mustra a balhar aus umanitaristas qui pretenden qu'un òmi ei tostemps e en totas circonstàncias un òmi. (L'òrra istoèra d'un hilh de Gelòs)
Ad eth, dignitari de la Glèisa, que l'èra dat de hà's menut pertot, on qu'anèsse. (Camélat)
Quaus que sian sons sovenirs, tristes o gaujós, s'i estaca tostemps quauque bocin de tèrra. (Massartic)
Vin que cau, quin que sia, entà har la godala (Palay)
- La valeur indéfini peut être renforcée par voler employé au subjonctif, et dans ce cas, le verbe principal se place avant le relatif indéfini; cf. la fiche 3. H. Les indéfinis, 2. 2:
que las passeges on que volhas (Camélat) [= On que las passeges]
Le déterminant relatif
- Lo quau, la quau, los quaus, las quaus, pouvait aussi être un déterminant, employé en tête d'un groupe nominal:
laquoau poblation (Fòr d'Auloron)
en la quoau prezoo este XVII antz (Récits d'Histoire sainte)
- Cet usage a disparu aujourd'hui, mais on aurait intérêt à le remettre en vigueur, au moins pour la rédaction et la traduction de textes juridiques.