2. B. L'accord du verbe
Accord du verbe en personne
Le procès inclut celui qui parle ou son interlocuteur
Lorsque l'action ou l'état désignés par le verbe incluent deux ou plusieurs sujets, dont celui qui parle, ou son interlocuteur, le verbe se met à la première personne du pluriel, ou à la seconde:
Un aute aulhèr e jo, lo Menin de las Heishetas, que ns'èram asseduts... (Camélat): "Un autre berger et moi, Ménin des Héchettes, nous étions assis..."
La mia hemna e jo qu'èm tornats tà la tèrra bearnesa. (Sabalot): "Ma femme et moi sommes revenus sur la terre béarnaise."
Cette règle s'applique aussi dans le cas d'un seul sujet incluant celui qui parle, ou son interlocuteur, alors que le fr. emploie dans ce cas la troisième personne:
Los màgers qu'i seram. (Palay): "Les plus grands y seront."
Lo petit monde qu'avem besonh deus qui an coneishenças aus bons endrets. (Palay): Les petites gens ont besoin de ceux qui ont des connaissances aux bons endroits."
Quant avem enqüèra a har tots los amics deu Pèis ! (Lafore): "Combien ont encore à faire tous les amis du Pays!"
eths qui veiem tot eth Passat / e qui sabem tota er'Istòria (Philadelphe): "ceux qui voient tout le Passé / et qui savent toute l'Histoire"
Los dròlles qu'avèm a la boca los mots de Douaumont, Picardia, Craonne. (Lapassade): "Les enfants avaient à la bouche les mots de Douaumont, Picardie, Craonne."
Es auti dus que les guardaram. (Lux): "Les deux autres [d'entre nous] les garderont."
Que i poderem, dilhèu, càber un de plus? (Yan Palay): "Peut-être qu'un autre [d'entre nous] pourrait y contenir?"
Los electors que ns'i vam avisar, non vam pas voler hicar capsús çò qui an hicat capvath a la Crampa. (Larroque): "Les électeurs vont y être attentifs, ils ne vont pas vouloir refaire ce qu'on a défait à l'Assemblée."
Haciam d'abòrd la part deus qui escrivem entà'ns devertir. (Palay): "Faisons d'abord la part de ceux qui écrivent pour passer le temps."
Los òmis non saberetz èster cap e cap sense har drin de luta. (Camélat): "Vous, les hommes, vous ne pouvez pas être face à face sans vous disputer un peu."
Cas de c'est moi, c'est toi, etc.
Avec le verbe ESTAR, lorsque l'attribut est un pronom personnel (jo, tu, eth, etc.), le verbe s'accorde en personne avec l'attribut:
Aquò èran eths. (Bladé): "C'était eux" (ou "C'étaient eux")
La defensa qu'èri jo. (L'estranh): "La défense c'était moi."
En gascon, le sujet aquò, açò, est souvent sous-entendu:
Qu'ètz vos la soa sòr, Maria de Bordèras. (Camélat): "C'est vous sa soeur, Marie Bordères."
Qu'èm nosautes qui ac suportam. (Larroque): "C'est nous qui le supportons."
... puishque èran eths qui s'èran aucupats de tot. (Sabalot): "... puisque c'était eux qui s'étaient occupés de tout."
Les constructions du type qu'ei jo, qu'ei tu... sont une influence du français à bannir.
Accord du verbe en nombre
Le sujet est un nom collectif
Lorsque le sujet est un nom collectif, le verbe se met généralement au pluriel:
Lo monde n'ac acceptarén pas. (Javaloyès): "Les gens ne l'accepteraient pas."
Lo vesiatge qu'èran tots aquí. (Manciet): "Tout le voisinage était là."
I avèva, un còp, ua familha de bordilèrs que hasèvan pas que parlar deu Diable. (Bladé): "Il y avait, une fois, une famille de métayers qui ne faisait que parler du Diable."
La familha qu'èran tots drets au torn deu leit. (Manciet): "La famille était debout autour du lit."
Qu'èra com un salon on s'amassavan, cantavan e discutivan d'art, de poesia e de politic, la beròja companhia viquesa. (Camélat): "C'était une sorte de salon où se rassemblait, chantait et discutait d'art, de poésie et de politique, la bonne compagnie vicquoise."
E un aute abonde de plors que tornavan d’apotjà's au darrèr de mieja dotzena de gemits. (Camélat): "Et un autre flot de pleurs arrivait à nouveau après une demi-douzaine de gémissements."
Eth bestiar ja pòden començar de pèisher ath torn des bòrdes. (Armanac dera Montanha): "Le bétail peut commencer à paître autour des étables."
Tota la classa qu'i seràn! (Las tortoras): "Toute la classe y sera!"
La parròpia sancera que n'èran a las admiracions ! (Camélat): "La paroisse entière était admirative!"
La horra que s'esmeligavan d'arríder. (Camélat): "La foule se tordait de rire.é"
Tot lo pèis qu'estón envitats a la noça. (Daugé): "Tout le pays fut invité à la noce."
Que son deu camarada, aqueth par de siulets. (Palay): Cette paire de sifflets est au camarade."
Néanmoins, cette règle souffre des exceptions; il n'est pas impossible de trouver le verbe au singulier:
E tot lo monde que responè... (Lalanne): "Et tout le mondé répondait..."
un escabòt de paisans qui canta un verset (Camélat): "un groupe de paysans qui chante un couplet"
un hèish de pensadas que s'embarrava dehens lo cap de l’espanhòu (Casebonne): "une cohorte de pensées était renfermée dans la tête de l'Espagnol."
Le sujet est un pronom indéfini ou contient un déterminant indéfini
Lorsque le sujet est l'un des pronoms indéfinis mei d'un, mantun, arrés, quauquarrés, cadun, le verbe peut se mettre au pluriel, sans que cette règle soit obligatoire; de même, lorsqu'il s'agit d'un groupe nominal introduit par mei d'un, mantun ou cada:
Mei d'ua mainada... que'us espiavan de darrèr la frinèsta. (Camélat): "Plusieurs jeunes filles... les regardaient de derrière la fenêtre."
Qu'arribavan quauquarrés. (Peyroutet): "Quelqu'un arrivait."
Non pareishen pas arrés. (Palay): "Personne ne se montrait."
Cadun que vivèn a loa. (Camélat): "Chacun vivait chez lui."
Manterun que pòrtan a la man un bèth arram d’aur. (Lafore) (manterun est une variante locale de mantun): "Un grand nombre d'entre eux portaient à la main un beau rameau d'or."
Mais, inversement:
A La Marina, arrés no's mescla... arrés non poderé imaginar aquò. (Javaloyès): "À La Marina, personne ne se mélange... personne ne pourrait imaginer ça."
Sujets singuliers avec dab
Dans le cas de sujets singuliers liés par dab, le verbe se met au pluriel:
Janotina dab lo Jan que s'anavan jàser. (Lalanne): "Jeannotte et Jean allaient se coucher."
Accord avec l'attribut du sujet
Lorsque le sujet est un démonstratif neutre (açò, aquò), le verbe s'accorde avec l'attribut du sujet:
Aquerò que son estreas de deputat. (Badiolle): "C'est une gratification de député."
Aquò que son causas qui disen. (Sabalot: "C'est des choses qui se disent."
Tot aquò que son mestièrs com cau. (Palay): "Tout ça, c'est des métiers comme il faut."
Le sujet est généralement sous-entendu:
Qui a dit aquerò? Que son mensonjas, ih! (Hustach): "Qui a dit cela? Ce sont des mensonges, hein!"
Si non èran estats los escrivans (Palay): "Si ce n'avait été les écrivains"
Se n'èra pas estada la corsa, que'm serí cresut a París. (Daugé): "S'il n'y avait pas eu la course, je me serais cru à Paris."
Il en va de même lorsque le sujet est un groupe nominal au singulier et l'attribut du sujet un groupe nominal au pluriel:
La causa de consequença que son las tortas. (Palay): "La chose importante, c'est les tourtes."
La soa òbra géncer que demoran las quate prumèras eglògas. (Camélat): "Sa meilleue oeuvre reste les quatre premières églogues."
Cas particuliers (1): les calques du français C'EST
Parfois, la règle précédente n'est pas appliqué et on trouve des constructions avec le verbe au singulier alors que l'attribut du sujet est au pluriel:
Uei n'ei que gausialhas. (Camélat): "Aujourdh'ui ce n'est que du batifolage."
Tres punhèras n'ei pas tròp. (Palay): "Trois pugnères ce n'est pas trop."
Que serà cent francs de fotuts. (Palay): "Ce sera cent francs de foutus."
Ces constructions sont dues à l'influence du français et il faut les rejeter absolument; on écrira et on dira:
Uei ne son que gausialhas.
Tres punhèras ne son pas tròp.
Que seràn cent francs de fotuts.
Plus généralement, on évitera de calquer en gascon les constructions avec le français C'EST qui rompent les règles d'accord communes et éloignent notre langue du catalan et du castillan, comme dans les exemples ci-dessous:
Dus marcats tà véner un pòrc, n'ei pas pro de passeis? (Camélat): "Deux marchés pour vendre un porc, ce n'est pas assez de promenades?"
Aqueras sangsugas, qu'ei un salopèr! (Palay): "Ces sangsues, c'est une saloperie!"
Òc plan, mes vos n'ei pas parièr. (Peyroutet): "Oui, mais vous ce n'est pas pareil."
On écrira et on dira:
Dus marcats tà véner un pòrc ne son pas pro de passeis ?
Aqueras sansugas que son un salopèr !
Òc plan, mes dab vos / dens lo vòste cas / per vos n'ei pas parièr.
On suivra le modèle non francisé de la phrase suivante: Compliments que hèn tostemps gai, vertat ? (Lalanne)
En français, on pourrait avoir: "Les compliments, ça fait toujours plaisir, n'est-ce pas
Cas particuliers (2): les constructions ergatives
Pour des cas d'accord qui ne figureraient pas dans ce qui a été dit précédemment, on consultera la fiche https://wikigram.locongres.com/index.php?title=4._F._Les_constructions_ergatives