4. D. L'attribut du sujet
Généralités
- Les verbes dits d'état (estar, paréisher, semblar, vàder, deviéner, demorar) sont ordinairement suivis d'un attribut du sujet, qui peut être un adjectif qualificatif, un groupe nominal, un pronom, un verbe à l'infinitif ou une proposition entière:
La maison qu'ei blanca.: "La maison est blanche."
Aquiu, tot que'm semblava intime. (Javaloyès): "Là, tout me semblait intime."
Aqueth òmi qu'ei lo maire de Banhèras.: "Cet homme est le maire de Bagnères-de-Bigorre."
Tot çò qui'm condavas n'èran que badinerias. (Camélat): "Tout ce que tu me racontais n'était que plaisanteries."
Qu'èra eth. (Lalanne): "C'était lui."
Çò de mei beròi, qu'ei çò qui sap de la Claqueta... (Palay): "Le meilleur, c'est ce qu'elle sait au sujet de Claquette."
Lorsque l'attribut est un infinitif ou une proposition infinitive, le verbe à l'infinitif est introduit par de:
Tad eths la grana victòria / qu'ei de plenhar tot de dolor. (Labaig-Langlade): "Pour eux, la grande victoire / est de tout emplir de douleur."
Que's pensan bahida enqüèra que la patria sauvar qu'ei de s'apotjar tà Siròs un còp l'an entà cantar. (Subèr Albèrt): "Ils pensent sans doute encore que sauver la patrie c'est prendre la route de Siros une fois par an pour chanter."
V. aussi: 7. A. La proposition infinitive.
- On trouve également l'attribut du sujet après les synonymes d'un des verbes signalés ci-dessus: tornà's, devirà's, està's, tiene's:
mèu qui's torna hèu (Camélat): "miel qui se transforme en fiel"
Eth se tien sauv. (Gassion): "Il se considère comme préservé."
Que volí, tant per tant, balhar mustras, ci'm disè, qu'un hilh de paisan non pòt devirà's qu'un manòbra, un obrèr d’usina, quan parteish deu son vilatge e non a dongas grans quehars dens ua vila. (Camélat): "Je voulais juste illustrer l'idée, me disait-il, qu'un fils de paysan ne peut devenir qu'un manoeuvre, un ouvrier d'usine, quand il part de son village et n'a donc pas grand-chose à faire dans une ville."
Cas particuliers
Cas particulier: l'attribut du sujet est un adjectif numéral ordinal
Lorsque l'attribut du sujet est un adjectif numéral ordinal (prumèr, segond, etc.), il ne prend jamais l'article défini, contrairement au français:
Quan los francés e partivan de Napòli e arribavan permèrs a Roma... (Camélat)
tà saludar prumèra au mèste Rei, au Só (Al-Cartéro)
La construction partitive de l'attribut du sujet
Comme l'adjectif épithète à certaines conditions, l'adjectif attribut du sujet peut être construit selon la construction partitive:
Lo medecin tanben qu’ei deus bons. (Palay)
V. aussi 4. E. La construction partitive de l'adjectif.
Cas particuliers d'accord
- Lorsque la phrase a une portée générale (notamment avec le verbe caler, ou avec le pronom òm comme sujet), le verbe est au singulier, mais l'attribut peut se mettre au pluriel, sans que cette règle soit d'application systématique:
Que caleré poder tostemps demorar joens ! (Palay) (a contrario: Que caleré estar joen. (Yan dou Sabalot))
B'ei triste d’estar pècs! (Courriades)
Òm b'ei plan forçats de i arribar. (Palay)
- Lorsque le sujet, au singulier, a un sens collectif (lo monde, la joenessa, lo bestiar...), tant le verbe que l'attribut sont, le plus souvent, au pluriel:
Tota l'auseralha qu'estón amassats. (Lalanne)
Lo bestiar que son vòstes. (Lalanne)
- Noter l'accord dans la phrase suivante:
Drin de confusion qu'ei viste passada. (Palay)
On aurait pu dire aussi viste passat.
V. aussi la fiche: 4. G. Les équivalents de IL Y A
Attribut du sujet marquant la possession
- L'attribut du sujet exprimant la possession est introduit par de (jamais par a, contrairement au français):
La tèrra qu'ei de tots. (Palay): "La terre est à tout le monde."
- Au lieu des pronoms personnels compléments toniques jo, tu, etc., on emploie les pronoms possessifs sans l'article:
La maison qu’ei mia. (Camélat): "La maison est à moi."
L’aulor be n’ei soa ? (Camélat): 'L'odeur est à elle, non ?"
Qu’ès noste com son nostas las estelas. (Camélat): "Tu es à nous comme sont à nous les étoiles."
Tà tu, çò de noste qu'ei ton. (Los de Nadau): "Pour toi, ce qui est à nous est à toi."
Pronominalisation de l'attribut du sujet
L'attribut du sujet se pronominalise différemment selon sa nature grammaticale: adjectif, groupe nominal, possessif.
- Lorsque l'attribut du sujet renvoie à un adjectif qualificatif, un possessif ou un groupe nominal non introduit par un déterminant défini (1), il se pronominalise par ne (jamais par ac, contrairement au français qui utilise le pronom personnel "le"):
Qu'ei hardit. --> Que n'ei.
La tèrra qu'ei nosta. --> Que n'ei.
Qu'èra comte d'Armanhac. --> Que n'èra.
- Lorsque l'attribut du sujet renvoie à un groupe nominal introduit par un déterminant défini (1), il se pronominalise par les pronoms personnels compléments lo, la, los, las:
— Ètz plan vos qu’ètz la damaiseleta ? — Nani, jo non la soi pas. (Bladé): "Est-ce bien vous qui êtes la petite demoiselle ? — Non, je ne suis pas la petite demoiselle / je ne suis pas elle."
Jo, se non sò ‘ra suá, non la serè d’arrés. (Sarrieu): "Moi, si je ne suis pas la sienne, je ne serai celle de personne."
- Lorsque l'attribut du sujet renvoie à un infinitif ou à une proposition entière, il se pronominalise par le pronom personnel ac:
— Se sonan aciu las campanas, que serà, bahida, que cau sonar-las! — Òc, qu'ac serà! (Al-Cartéro)
La formule Qu'ac ei sert à reprendre une phrase entière avec le sens de "C'est vrai, c'est exact".
— B’ètz vosauts los mèstes, Carrèra e vos, de la bòrda aquera ? — Qu'ac ei. (Peyroutet)
Verbes à élargissement attributif
- "Il s'agit de verbes transitifs ou intransitifs qui figurent occasionnellement dans des constructions où ils sont suivis d'un élément qui... s'accorde avec le sujet et caractérise ce dernier à la manière d'un attribut du sujet" (Grammaire méthodique du français):
Que me’n soi tornat gorpit. (Larroque)
La Republica (...) qu’ei sortida mei gualharda que jamei de 'queste darrèr gran combat. (Larroque)
Que vivèn urós.
- En français, l'attribut du sujet d'un verbe à élargissement attributif est parfois précédé de comme, ou d'en tant que; ce n'est jamais le cas en gascon. Comparer:
Aqueth vrèspe, Maria que se n’anè vaquèra en un prat qui avèn au ras deu gave. (Casebonne): "Cette après-midi-là, Marie s'en alla comme vachère..."
Lo hilh deu rei se loguèc donc porquèr. (Bladé): "Le fils du roi se fit donc engager comme porcher."
cap a l'ahitau on se n'èra anat gendre lo hrair de Mamà. (Lavit)
Que i èri entrat vailet a l'atge de vint ans. (Peyroutet)
Que'ns he beròi servici dinca partim soldats. (Sègues): "Elle nous rendit beaucoup service jusqu'à ce que nous partîmes comme soldats."
Que devón partir presonèrs per quate ans. (Oéy en Bearn): "Ils durent partir comme prisonniers pour quatre ans."
Jo que m'estòi ací Maria Brasoqueta. (Lavit): "Je reste ici comme une Cendrillon."
- Parfois, alors qu'on aurait toute une proposition circonstancielle en français, le gascon a recours au simple attribut:
Que t’èi a har véder quin, ans davants, e ns’èram engontrats aulhèrs au bèth som de Sagetas. (Camélat): "Il faut que je te raconte comment, des années auparavant, nous nous étions rencontrés alors que nous étions bergers..."
La position de l'attribut du sujet
- L'attribut du sujet se place normalement après le verbe:
Lo men amic qu'ei triste.
- Lorsqu'on veut mettre l'emphase sur l'attribut du sujet, on le place avant le verbe:
Libre qu'èra de har çò qui l'agradava. (Sabalot): "Il était bien libre de faire ce qui lui plaisait."
(1) les déterminants définis: l'article défini, les déterminants possessifs, les déterminants démonstratifs.