Différences entre les versions de « 2. Les dialectes de l'occitan »
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== L'auvergnat == | |||
À l’est du domaine du limousin s’étend celui de l''''auvergnat''', qui couvre le département du Puy-de-Dôme, la région de Gannat dans l’Allier, le sud-est de la Creuse, les deux tiers (nord et est) du Cantal, ainsi que la plus grande partie de la Haute-Loire, une frange septentrionale de la Lozère, le nord-ouest de l’Ardèche et les communes de Noirétable et de La Chamba dans le département de la Loire. | |||
Contrairement au limousin, au vivaro-alpin et au provençal, l'auvergnat conserve souvent le ''l'' final ('''chastèl''' "château") et, dans le sud du domaine, ne connaît pas le phonème [v], remplacé par [b] comme en languedocien et en gascon. | |||
Le timbre de plusieurs voyelles se modifie en auvergnat: ainsi, [ɛ] (noté ''è') est réalisé [e], tandis que ''e'' (noté ''e'') est souvent prononcé [ə], localement [ɪ] (5). | |||
Un trait caractéristique de l’auvergnat est le passage, en syllabe tonique, de [a] à [ɔ] devant ''n'' et ''nh'': '''montanha''' [munˈtɔɲɑ] 'montagne'. | |||
Mais la caractéristique la plus frappante de l’auvergnat est la série des palatalisations qui affectent la plupart des consonnes devant [i] et [y]: '''dire''' [ˈdʲire] "dire", '''libre''' [ˈʎibre] "livre", '''nus''' [ɲy] "nu", '''vida''' [ˈbjidɑ] "vie", '''quicòm''' [tʲiˈkɔn] (> [ʧiˈkɔn] et même [ʦiˈkɔn]) "quelque chose". On trouve encore d’autres palatalisations comme celle du groupe ''gl'': '''glèisa''' [ˈɡʎejzɑ], [ˈʎejzɑ] "église". | |||
L’auvergnat présente localement des phénomènes déroutants comme la prononciation [ɣ] ou [v] du ''l'' intervocalique (volar [vuˈɣa], [vuˈva] "voler"), la palatalisation de la voyelle après [ʧ] et [dʒ]: chabra [ˈʧjabrɔ] "chèvre" ou le passage de la diphtongue [aj] à [waj]: ''mai'' [mwaj] "plus". | |||
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(4) En sarladais, par exemple, les consonnes finales sont muettes et le ''a'' prétonique est prononcé [ɒ], à l’instar de ce qui se passe en limousin. [ɒ] est la voyelle ''o'' telle que prononcé par les Anglais dans ''hot''. | (4) En sarladais, par exemple, les consonnes finales sont muettes et le ''a'' prétonique est prononcé [ɒ], à l’instar de ce qui se passe en limousin. [ɒ] est la voyelle ''o'' telle que prononcé par les Anglais dans ''hot''. | ||
(5) [ə]: c'est le son du ''a'' anglais dans ''ago''. [ɪ]: c'est le son du ''i'' anglais dans ''hit'': '''fèrre''' [ˈfeʁə] "fer", '''negre'''[ˈnəgɾə] "noir". |
Version du 29 novembre 2019 à 15:00
La variation dialectale de l’occitan est particulièrement importante pour plusieurs raisons: inexistence d’une langue littéraire panoccitane depuis le XIVe siècle; fréquente absence de conscience, pour des locuteurs de différents dialectes, de parler une même langue; inexistence même, jusqu’à une date récente, d’un terme commode pour désigner l’ensemble de la langue (1); inexistence, aussi, du XVe siècle jusqu’à la seconde moitié du XIXe, d’un système graphique cohérent et largement accepté pour la noter.
On divise traditionnellement l’occitan en six grands dialectes, respectivement, de l’ouest à l’est et du sud au nord: le gascon, le languedocien, le provençal (2), le limousin, l’auvergnat et le vivaro-alpin.
Le limousin, l’auvergnat et le vivaro-alpin constituent à eux trois ce qu’il est convenu d’appeler le nord-occitan; inversement, le languedocien et le provençal peuvent être rangés sous l’appellation de sud-occitan; tandis que le gascon constitue un sous-ensemble à lui seul.
Nous étudierons les grands traits du gscon, dans l'ensemble occitan, dans une autre fiche. Passons ici rapidement en revue ceux qui distinguent les autres dialectes.
Le languedocien
Le languedocien occupe le centre du domaine linguistique occitan, des Pyrénées au sud à Sarlat, Gourdon et Aurillac au nord, et de la Garonne à l’ouest au Vidourle à l’est (3). Il recouvre ainsi les départements de l’Aveyron, du Lot, du Tarn, de l’Aude et de l’Hérault et, en partie, le Lot-et-Garonne, le Tarn-et-Garonne, la Haute-Garonne, l’Ariège, le Gard, la Lozère, l’Ardèche, la Dordogne, le Cantal et les communes occitanophones des Pyrénées-Orientales, et se trouve ainsi en contact avec tous les autres dialectes. Les sous-dialectes périphériques du languedocien (comme le sarladais, l’aurillacois ou le cévenol) partagent des caractéristiques des dialectes limitrophes (4).
Le languedocien est des dialectes occitans celui qui est resté le plus proche du latin. Ses traits principaux sont:
- la conservation du -s final du pluriel. Ce trait le rapproche du gascon et l’oppose aux autres dialectes, à l’exception, partielle, du vivaro-alpin;
- l’absence de vocalisation de -l final (sal "sel", bèl "beau"). Ce trait l’oppose aux autres dialectes, à l’exception, partielle, de l’auvergnat;
- la chute du n intervocalique latin devenu final (PANE > pan [pa] "pain") : ce trait l’oppose au gascon (partiellement) et au provençal et le rapproche du limousin et de l’auvergnat;
- l’inexistenxe du phonème [v]: le v est prononcé [b] en languedocien: vaca [ˈbakɔ] « vache ». Ce trait le rapproche du gascon et l’oppose à l’ensemble des autres dialectes;
- la conservation des consonnes finales: sec [sek] "sec", lop [lup] "loup", prat [prat] "pré". Ce trait le rapproche du gascon et l’oppose à l’ensemble des autres dialectes, à l’exception partielle du vivaro-alpin.
Le provençal
Le provençal est parlé dans la majeure partie de l’ancienne Provence: Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Var, sud des Alpes-de-Haute-Provence, ainsi que dans la plus grande partie des Alpes-Maritimes et l'est du Gard. Il se caractérise par:
- la chute du -s marque du pluriel. Celui-ci est alors marqué par l’article défini (lorsqu’il est présent) lei ([lej] > /[li]), leis devant voyelle pour les deux genres;
- la vocalisation du -l final: sau "sel", bèu "beau";
- le maintien du –n- intervocalique latin: pan [paŋ] "pain";
- la présence du phonème [v]: vaca [ˈvakɔ];
- la chute des consonnes finales: sec [se], lop [lu], prat [pra].
Généralités sur le nord-occitan
Le limousin, l’auvergnat et le vivaro-alpin constituent, face au languedocien, au provençal et au gascon, l’ensemble nord-occitan caractérisé par la palatalisation de CA et GA latins en cha et ja, réalisés respectivement [ʧa] et [ʤa] ou [ʦa] et [ʣa], voire [sa] et [za] (partie du limousin), ou encore [ʃa] et [ʒa] (marchois et bourbonnais d’oc). Ce trait phonologique est particulièrement important parce qu’il continue la même palatalisation en langue d’oïl et définit ainsi un domaine intermédiaire entre sud-occitan et langue d’oïl. Le nord-occitan a en commun avec le provençal la présence du phonème [v] et la chute du -s du pluriel, et plus généralement de toutes les consonnes finales. Cependant, chacun des trois dialectes "nord-occitans" possède sa physionomie propre; aussi traiterons-nous chacun séparément.
Tout à fait au nord de l’aire occitane, dans l'aire appelée Croissant à cause de sa forme sur la carte, et qui court de la Charente à l'Allier en passant par la Haute-Vienne, la Creuse et, pour quelques communes, le sud de l'Indre et du Cher, les parlers locaux sont des parlers de transition qui mêlent traits d’oc et traits d’oïl.
Le limousin
Le domaine du limousin s’étend sur les départements de la Haute-Vienne et de la Corrèze et le sud-ouest du département de la Creuse, et occupe en outre les deux tiers septentrionaux du département de la Dordogne et la région de Confolens en Charente.
Outre la palatalisation signalée ci-dessus, on trouve deux évolutions phonétiques frappantes dans la plus grande partie de l’aire linguistique limousine:
- le a atone, prétonique et final, est réalisé [ɒ] (4): lavar [lɒˈva] "laver", vacha [ˈvaʦɒ] "vache";
- il y a inversion dans leurs occurrences des chuintantes et des sifflantes: ainsi, jau [zaw] "coq", face à ser [ʃe] "soir", chaça [ˈsaːʃɒ] "chasse".
Le limousin marque le pluriel par l’allongement de la voyelle finale du mot: la vacha [lɒ ˈvaʦɒ] "la vache", las vachas [laːˈvaʦaː], [laːvɒˈʦaː], "les vaches"; l’òme [ˈlɔme] "l’homme", los òmes [luːˈɔmej] "les hommes" (l'allongement de [e] mène à sa diphtongaison); lo prat [luˈpra] "le pré", los prats [luːˈpraː], [louˈpraː], "les prés".
- L’opposition e/é [e] 〜 è [ɛ] est neutralisée, c’est-à-dire qu’il n’y a qu’un seul phonème dont la réalisation selon les cas peut être [e] ou [ɛ].
- le -l final se vocalise: chasteu [ʦaːˈtew] "château".
- le groupe -an en position finale donne, comme dans certains parlers nord-languedociens, [ɔ]: pan [pɔ] "pain".
- le limousin connaît de nombreuses aphérèses, notamment du a: 'nar (pour anar, « aller ») , 'belha (abelha, "abeille") , 'quò (aquò, « cela ») et quo es, qu'es ([kwej], [kej], pour aquò es, "c’est"), 'ribar (arribar "arriver"), 'na (una "une")…
- une partie du domaine présente en outre des variations déroutantes dans la place de l’accent tonique: chadena [ʦɒdeˈnɒ] "chaîne", estrech [ˈejtre] "étroit", beutat [ˈbewtɒ] "beauté".
- sur le plan morphologique, le suffixe -aud, -auda pour les noms et les adjectifs (dròlle "garçon" --> drollaud, même sens; magre "maigre" --> magraud "maigrichon") est propre au limousin.
L'auvergnat
À l’est du domaine du limousin s’étend celui de l'auvergnat, qui couvre le département du Puy-de-Dôme, la région de Gannat dans l’Allier, le sud-est de la Creuse, les deux tiers (nord et est) du Cantal, ainsi que la plus grande partie de la Haute-Loire, une frange septentrionale de la Lozère, le nord-ouest de l’Ardèche et les communes de Noirétable et de La Chamba dans le département de la Loire.
Contrairement au limousin, au vivaro-alpin et au provençal, l'auvergnat conserve souvent le l final (chastèl "château") et, dans le sud du domaine, ne connaît pas le phonème [v], remplacé par [b] comme en languedocien et en gascon.
Le timbre de plusieurs voyelles se modifie en auvergnat: ainsi, [ɛ] (noté è') est réalisé [e], tandis que e (noté e) est souvent prononcé [ə], localement [ɪ] (5).
Un trait caractéristique de l’auvergnat est le passage, en syllabe tonique, de [a] à [ɔ] devant n et nh: montanha [munˈtɔɲɑ] 'montagne'.
Mais la caractéristique la plus frappante de l’auvergnat est la série des palatalisations qui affectent la plupart des consonnes devant [i] et [y]: dire [ˈdʲire] "dire", libre [ˈʎibre] "livre", nus [ɲy] "nu", vida [ˈbjidɑ] "vie", quicòm [tʲiˈkɔn] (> [ʧiˈkɔn] et même [ʦiˈkɔn]) "quelque chose". On trouve encore d’autres palatalisations comme celle du groupe gl: glèisa [ˈɡʎejzɑ], [ˈʎejzɑ] "église".
L’auvergnat présente localement des phénomènes déroutants comme la prononciation [ɣ] ou [v] du l intervocalique (volar [vuˈɣa], [vuˈva] "voler"), la palatalisation de la voyelle après [ʧ] et [dʒ]: chabra [ˈʧjabrɔ] "chèvre" ou le passage de la diphtongue [aj] à [waj]: mai [mwaj] "plus".
(1) Un tel terme existe depuis le siècle dernier: occitan; mais il est récusé par des mouvements qui visent à ériger tel ou tel dialecte en langue distincte. C’est le cas notamment en Provence où des "mistraliens" plus mistraliens que Mistral lui-même prétendent obtenir la reconnaissance d’une langue provençale. En Béarn et dans une partie de la Gascogne, certains visent à faire reconnaître l’existence d’une langue gasconne. Curieusement, ces mouvements sont regroupés dans une Alliance des Langues d’Oc, reconnaissant ainsi la pertinence d’une référence à l’aire linguistique occitane dès lors qu’il est question de provençal ou de gascon.
(2) Même si certains ont tendance à vouloir voir en lui un dialecte à part entière, le niçard est un sous-dialecte du provençal (Domergue SUMIEN, Classificacion dei dialèctes occitans, revistadoc.org, setembre de 2009).
(3) On voit ici que les noms donnés aux dialectes sont en partie arbitraires et loin de correspondre avec exactitude aux territoires des provinces d’Ancien régime auxquels ils se réfèrent.
(4) En sarladais, par exemple, les consonnes finales sont muettes et le a prétonique est prononcé [ɒ], à l’instar de ce qui se passe en limousin. [ɒ] est la voyelle o telle que prononcé par les Anglais dans hot.
(5) [ə]: c'est le son du a anglais dans ago. [ɪ]: c'est le son du i anglais dans hit: fèrre [ˈfeʁə] "fer", negre[ˈnəgɾə] "noir".