4. D. La position de l'adjectif

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Un mythe: la postposition systématique de l'adjectif

Contrairement à ce que certains affirment, en gascon (et plus généralement en occitan) l'adjectif épithète peut se placer avant ou après le nom qu'il qualifie. Il en était de même en latin, et il en était ainsi également dès les origines de la langue, ainsi que tout au long de son histoire, et ce même pour des adjectifs qui, habituellement, sont placés après le nom:

farai un vers de drech nient (Guilhem de Peitieus)

douç chants d'ausèls de lonh (Jaufré Rudèl)

Lo gens tems de pascor / ab la frescha verdor (Bernat de Ventadorn)

Be'm plais lo gais temps de pascor (Bertrand de Bòrn)

Ieu am-la de fin còr sens bausia (Pèire Vidal)

Mes conego lo diit Conte que non pode aver poblades sinon que meilhers fors e franquessas los donessa. (For d'Oloron)

la divinau sabence (For d'Oloron)

vertadere patz (Récits d'histoire sainte)

humanau natura (Récits d'histoire sainte)

la espabentable obre que jo fare (Récits d'histoire sainte)

ues aules femnas (Récits d'histoire sainte)

fo mau rey et trop faus e desleyau (Récits d'histoire sainte)

la noble e poderosa done (Charte de Madame Jeanne d'Artois)

son sant decret que jamés non varia (Psaumes de David, trad. Arnaud de Salettes)

lo clar sorelh après se va lhevant (Psaumes de David, trad. Arnaud de Salettes)

deus grans aigats trei hòra ma persona (Psaumes de David, trad. Arnaud de Salettes)

Une liberté plus grande qu'en français

La Grammaire provençale du CREO Provença affirme: "L'occitan, en particulier le provençal, a une tendance nettement plus marquée que le français à placer l'adjectif après le nom, surtout s'il s'agit de donner une valeur forte à la qualification." Encore faut-il préciser que cela concerne surtout la langue populaire et familière, et ne pas exagérer cette tendance. Jules Ronjat y voyait quant à lui une liberté de construction plus grande qu'en français: "On ne commettra pas de faute en observant les règles qu'on trouve dans les grammaires françaises, mais un orateur ou un écrivain pourra parfois sans troubler un public même populaire employer, suivant le rythme de la phrase ou en vue d'un effet stylistique, un ordre de mots que le français n'admettrait pas, ou admet plus rarement: d'esmoventei declaracions "des déclarations émouvantes", trencantei paraulas "paroles tranchantes", l'afogat felibre X*** "l'ardent (fougueux) félibre X***", seis afogadei recèrcas "ses recherches (scientifiques) zélées". (Essai de syntaxe des parlers provençaux modernes, p. 28)


Adjectis habituellement antéposés et postposés

Comme en français, certains adjectifs ont plutôt tendance à se placer avant le nom:

la mei grana calor (Yan dou Sabalot)

ua pregona tristessa (Yan dou Sabalot)

au bon moment (Casebonne)

un maishant arbe (Casebonne)

la joena veuda de l'immòble (Javaloyès)

Inversement, d'autres ont tendance à se placer après le nom, comme les adjectifs de couleur, les participes passés ou présents employés comme adjectifs et les adjectifs relationnels (qui équivalent à un complément de nom):

de vetas arrojas, bluas, verdas e jaunas (Eyt)

lo son paraploja florit (Javaloyès)

la patria navarresa (Casebonne)

lo noste só meditarranèu (Javaloyès)

L'adjectif épithète est postposé lorsqu'il est accompagné d'un complément

Changements de position

Il est possible, dans certains cas, de placer un adjectif épithète en position inhabituelle. Cette faculté est fonction de divers types de considérations, d'ordre euphonique, stylistique ou sémantique; dans ce dernier cas, l'adjectif épithète en position inhabituelle se voit attribuer un sens figuré, plus abstrait:

blos aire (Camélat)

lo trist e indecís clapotís (Darclanne)

escosent poton (Abadie)

diabolic metau (Lapassade)

aniva musica (Manciet)

l'estonanta renomada (Camélat)

impenetrable mistèri (Palay)

Un negre ser d'ivèrn, la mair qu'èra partida. (Sabalot)

Toutefois, gran et navèth sont plus facilement postposés qu'en français sans qu'on puisse y voir de claire différence sémantique:

la muralha hauta (Casebonne)