1. L'origine du lexique gascon

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Le lexique gascon: une origine latine

Plus de 80 % du lexique gascon vient du latin parlé tardif (à partir du IIIe siècle après J. C.). Ce latin parlé tardif était sensiblement différent du latin classique de Cicéron. Dans son livre Du gascon au latin, Jean Bouzet a rappelé les règles qui régissent l'évolution du latin au gascon dans son ouvrage Du gascon au latin.

Les noms gascons viennent généralement de l'accusatif du mot latin correspondant; celui-ci se terminait par un -M qui ne se prononçait plus, déjà au Ier siècle de notre ère; aussi donne-t-on l'accusatif des mots latins, sans le -M final, lorsque l'on cite l'étymologie de noms gascons et des autres langues romanes: OVU > ueu.

À part -A, les voyelles finales des étymons latins sont tombées très tôt en gascon, dès l'époque où se constituait notre langue: OVU > ueu, MARE > mar, SURDU > shord, VIDERE > véder.

-A final des étymons latins s'est maintenu: PETRA > pèira. Cette évolution rapproche le gascon et l'occitan dans son ensemble du catalan et du français.

Après une suite de deux consonnes, notamment occlusive + liquide, le gascon a maintenu une voyelle de soutien -e: NUMERU > nombre, DUPLU > doble, QUINDECIN > quinze.

Si le lexique du latin parlé tardif était dans sa grande majorité proprement latin, la langue avait aussi assimilé bon nombre de mots d'origine grecque ou gauloise.


Mots d'origine grecque

Les mots d'origine grecque désignent souvent des réalités de la vie quotidienne; citons, pêle-mêle, boder, castanha, cerisa, escòla, papèr, paraula, roncar, sauma...

Parmi ces mots, il en est qui concernent la religion chrétienne: avesque, batiar, diable, glèisa, parròpia...

Le gascon doit aussi au grec, via le latin parlé tardif, un mot grammatical, cada, et un suffixe verbal, -ejar (du latin parlé -IDIARE, lui-même emprunté au grec -ίζειν.


Mots d'origine gauloise

Les Gaulois n'ont été que partiellement implantés dans l'Aquitaine pré-romaine, mais le latin parlé tardif avait emprunté au gaulois un certain nombre de mots, dont certains ont circulé parfois loin de la Gaule (Espagne, Italie...). Maurice Romieu et André Bianchi (Gramatica de l'occitan gascon contemporanèu) estime leur nombre à une centaine; ce sont des mots de la vie quotidienne: banasta, car ("char"), camin, camisa, esclòp, laudeta, marla, pairòu...


Mots d'origine aquitanique

Ces mots, peu nombreux, ont trait à la vie quotidienne: abòr, artiga, avajon, barta, eslurrar, esquèrra, gahús, harri, hita, sarri, tinhahús... On en retrouve la trace en basque. Deux de ces mots, que l'on retrouve en catalan, circulaient sans doute en latin parlé tardif hors de leur domaine d'origine: cf. catalanesquerra, estalviar...


Mots d'origine germanique

Les Wisigoths ne sont restés qu'un siècle en Aquitaine, et nous transmettre un certain nombre de mots, parmi lesquels estaca, fang. D'autres mots d'origine germanique, plus nombreux, proviennent du francique, la langue des Francs, qui ont dominé le sud de la Gaule à partir du VIème siècle de notre ère: botar, causir, esquia, gahar, guadanhar, guarir, güèrra, hauta, hornir, lecar, raubar...


Mots d'origine arabe

Le gascon contient un certain nombre de mots d'origine arabe dont la pénétration est sans doute en rapport avec la participation des Gascons à la Reconquista de l'Espagne; touitefois, plusieurs d'netre eux sont arrivés jusqu'à nous par l'intermédiaire de l'italien. On compte parmi les mots d'origine d'arabe alambic, algarada, armanac, assasin, azard, (en de) batles, coton, chifra, cremesin, espinac, matalàs, merinjana, safran, tambor...


Mots d'origine française

Dès le Moyen Âge, l'occitan en général, et le gascon en particulier, ont emprunté des mots au français. D'un commun accord, les linguistes travaillant sur l'occitan considèrent ces mots aussi légitimes que les emprunts à d'autres langues, car l'occitan n'était alors pas subordonné au français. Citons parmi les emprunts médiévaux atge, baloard, bonur, dangèr, malur, pichèr, pòcha...

On peut considérer que l'occitan est devenu une langue subordonnée du français au XVIème siècle et, pour cette raison, nombre de linguistes sont plus réservés au sujet des emprunts faits au français depuis ce siècle jusqu'à nos jours: chivau, lapin, mossur, medecin, pijon, primtemps, pròche, quartièr, solièr, suenh... Parallèlement, la forme de certains mots gascons s'est modifiée au contact du français: güèrra est devenu guèrra.


Emprunts au latin et au grec

Cette catégorie de mots diffère sensiblement de celle des mots venus directement du latin parlé: ce sont des mots empruntés directement au latin classique ou médiéval, ou encore au grec, que le gascon a forgé pour désigner des réalités nouvelles. Dès le Moyen Âge, le gascon a emprunté des mots tels que acordar, denonciar, espitau, gràcia, notari, ofici, pensar, pregària... À partir du XVIème siècle, ces emprunts sont passés de plus en plus par le filtre des français et il a fallu l'effort des linguistes du XXème siècle, au premier chef Alibert, pour les reconstruire selon les règles de la phonétique occitane; c'est ainsi que machina a été remplacé par maquina, que glòria a été rétabli face à gloèra ou que l'on a préféré foncion à *fonccion.

À partir de la fin du XIXème siècle, l'essor ininterrompu des sciences et des techniques a entraîné la création de néologismes formés à partir de racines latines et grecques; les linguistes se sont employés à en occitaniser la forme; citons, au hasard, arqueologia, biologia, circonstància, epizootia, ipotèsi, ortografia, problèma,