1. Les langues de la France métropolitaine

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Dix langues sont parlées sur le territoire de la France métropolitaine: on les appelle langues régionales ou langues de France. Ce sont l’alsacien-mosellan, l’arpitan, le basque, le breton, le catalan, le corse, le flamand, l’occitan ou langue d’oc, la langue d’oïl et le romani (1).


La langue d'oïl

Le cas de la langue d’oïl est particulier. C’est d’elle qu’est issu le français, langue officielle et commune. Le français est la forme standard de la langue d’oïl, élaborée à la cour des rois de France à partir du XIIIe siècle, puis proclamée par la Révolution, en 1793, langue des idées nouvelles, devant à ce titre remplacer les langues et dialectes régionaux, qualifiés indistinctement de patois. C’est ainsi que le français est devenu le ciment de la nation moderne forgée par la IIIème République à partir de 1870.

Le français

Aujourd’hui, le français reste une des plus importantes langues au niveau mondial, sinon par le nombre de ses locuteurs, du moins par son rayonnement international. Le français est présent sur les cinq continents et est la langue officielle du Québec ainsi que de plusieurs pays du monde arabe et d’Afrique noire, dans lesquels, en l’absence d’une planification linguistique prenant en compte les langues autochtones, il reste la langue de l’enseignement et de la culture.

La langue d'oïl, une diversité très menacée

Mais si le français, forme standard de la langue d’oïl, a connu un succès immense, c’est au détriment, non seulement des langues de France, mais aussi des autres formes de la langue d’oïl – les dialectes. Aujourd’hui, les dialectes d’oïl sont en voie d’extinction. Certains (comme le champenois, le bourguignon ou le lorrain) peuvent même être considérés comme éteints. Seuls trois dialectes d’oïl sont depuis quelques années l’objet d’un regain d’intérêt: le gallo, parlé dans l’est de la Bretagne; le picard, parlé dans tout le Nord de la France; le poitevin-saintongeais; à quoi il faut ajouter le wallon, dont l’essentiel du domaine est situé en Belgique. Aucune disposition législative ou règlementaire ne prévoit l’enseignement de ces dialectes d’oïl. Ils bénéficient d’un enseignement, très limité, à l’Université.


Trois groupes dans les langues de France

On peut distinguer trois groupes parmi les autres langues de la France métropolitaine: l’alsacien-mosellan, le corse et le flamand sont des formes dialectales d’une langue officielle dans un autre pays; le basque et le catalan sont langues officielles dans un autre pays, l’Espagne, où se trouve la plus grande partie de leur domaine; le romani n’est pas une langue liée à un territoire particulier; enfin, l’arpitan, le breton et l’occitan sont des langues régionales dont l’ensemble du domaine, ou sa plus grande partie, se trouve en France, et qui ne sont officielles nulle part (hormis le val d'Aran, pour l'occitan).


L'alsacien-mosellan, le corse et le flamand

L'alsacien-mosellan

L'alsacien-mosellan est un ensemble de parlers germaniques du groupe haut-allemand, se rattachant d’ailleurs à divers sous-groupes (alémanique en Alsace, francique en Moselle). Même s’il existe une littérature en alsacien, la forme écrite de ces parlers est en principe l’allemand standard ; c’est l’allemand standard qui est enseigné dans les nombreuses classes bilingues d’Alsace. L’alsacien a mieux résisté au rouleau compresseur français que d’autres langues de France: alors que pour la plupart de ces dernières, les années 1950 marquent un effondrement dans l’usage quotidien et la transmission familiale, le recul de l’alsacien a commencé plus tardivement, dans les années 1970.

Le corse

Le corse se rattache au complexe domaine linguistique de l’italien. Autonomisé en langue corse à partir des années 1950 (2), il n’en reste pas moins, par ses structures, un ensemble de parlers italiens dérivés du toscan (3), mais les parlers du sud de l’île présentent des traits communs avec le sarde (langue romane à part entière) et le sicilien (dialecte sud-italien). Ces dernières années, un "corse élaboré" tend à émerger chez les créateurs et les professionnels de la communication, et la lingua corsa trouve de plus en plus sa place dans l’enseignement y compris bilingue, mais la faiblesse numérique de la population concernée (4) ne peut guère faire espérer un avenir "à la basque" ou "à la catalane" pour ce qui reste la langue vernaculaire d’une communauté jalouse de son particularisme.

Le flamand

Le flamand de France appartient au dialecte appelé flamand occidental également pratiqué en Flandre-Occidentale (Belgique) et en Flandre néerlandaise (Pays-Bas), qui constitue, aux côtés du flamand oriental, du zélandais, du brabançon, du hollandais et du néerlandais oriental, l’un des grands dialectes de la langue néerlandaise. À l’inverse des Flamands de Belgique, les Flamands de France ne reconnaissent pas le néerlandais comme la forme écrite de leur langue et seulement 2 % des élèves le choisissent celui-ci comme seconde langue. Le flamand est, à l’heure actuelle, enseigné à titre expérimental.


Le basque et le catalan

La plus grande partie du domaine de ces deux langues se trouve situé en Espagne, où la Constitution les reconnaît comme langues nationales. Le basque est la seule langue pré-indo-européenne parlée aujourd’hui en Europe, et le catalan est une langue romane, proche parent de l’occitan. C’est en Espagne que ces langues comptent la grande majorité de leurs locuteurs, c’est là également qu’elles ont pu, au cours de ces quarante dernières années, se développer au point de devenir, dans leurs zones respectives, les langues de l’enseignement, des médias et de la vie publique, faisant parfois jeu égal avec le castillan.

Le basque

En territoire français, le basque, qui n’est pourtant parlé que dans le tiers occidental du département des Pyrénées-Atlantiques, bénéficie du dynamisme du versant sud et fait l’objet d’une politique linguistique volontariste, notamment en matière d’enseignement bilingue puisque plus de 30 % des élèves de primaire suivent un cursus bilingue.

Le catalan

En France, le catalan ne se porte pas aussi bien que le basque: la Generalitat semble se désintéresser de son sort au nord des Pyrénées. Toutefois, le Conseil Général des Pyrénées-Orientales a adopté une charte en faveur du catalan qui prévoit une aide à l’ouverture de classes bilingues et au développement des moyens de communication privés et publics en catalan.


Le romani

Le romani est la langue du peuple rom ou tsigane. Partis, peut-être malgré eux (réduction en esclavage?), du nord de l’Inde au Xe siècle, les Tsiganes se sont répandus dans toute l’Europe au cours du Moyen Âge, et de là, plus récemment (XIXe-XXe siècles), en Amérique. La langue la plus proche du romani est le penjabi, parlé au nord-ouest de l’Inde; cependant, la langue des Tsiganes a subi l’influence de diverses langues européennes, au premier rang desquelles le serbo-croate.

En France, les communautés tsiganes représenteraient quelque 400 000 personnes, divisées en deux grands sous-groupes: les Manouches, autochtones ou immigrés d’Allemagne ou d’Italie au XIXe siècle, ont conservé la langue originelle, alors que les Gitans, qui ont longtemps séjourné en Espagne, l’ont abandonnée au profit du castillan ou du catalan. En France, le romani, bien que reconnu comme "langue de France", n’est pas enseigné (5); les populations tsiganes qui ont conservé le romani le pratiquent traditionnellement comme une langue uniquement orale, aux côtés du français. Ici aussi, sa pratique décroît parmi les jeunes générations.


L'arpitan, le breton et l'occitan

Comme on l'a dit, ces langues sont parlées exclusivement (le breton) ou principalement (l'occitan, l'arpitan) sur le territoire national.

Le breton

Le breton, langue celtique, ne continue pas le gaulois parlé en Armorique avant la conquête romaine, mais y a été importé aux Ve-VIe siècles de notre ère par des conquérants venus de la Britannia romaine (la Grande-Bretagne). C’est un proche parent du gallois et du cornique, langue celtique de Cornouailles aujourd’hui éteinte (6); il constitue avec eux le sous-groupe brittonique des langues celtiques (7). Son domaine (appelé "Basse-Bretagne"), qui s’est rétréci à la fin du Moyen Âge, comprend aujourd’hui le département du Finistère et la partie ouest des départements des Côtes d’Armor et du Morbihan. Le breton bénéficie d’une standardisation précoce, commencée dès l’Entre-Deux-Guerres par des érudits comme Roparz Hemon, qui l’ont notamment doté d’un vocabulaire moderne forgé sur des racines celtiques. À partir des années 1950, il a beaucoup reculé comme langue de la vie quotidienne, et reste aujourd’hui, malgré des succès certains dans le domaine de l’enseignement tant immersif que bilingue et l’engagement de la Région Bretagne, menacé d’extinction. Le 17 décembre 2004, le conseil régional de Bretagne a reconnu officiellement et à l’unanimité le breton et le gallo comme "langues de la Bretagne, aux côtés de la langue française".

L'arpitan

L'arpitan, encore aujourd’hui souvent appelé francoprovençal (8), est une langue romane parlée principalement en France, mais également en Suisse et en Italie, mais n’a été identifié comme telle qu’au XIXe siècle par le linguiste italien Graziadio Ascoli. Son aire de diffusion correspond grosso modo à un triangle Montbrison – Neuchâtel – Mont Cenis et couvre ainsi, en France, la plus grande partie de l'ancienne région Rhône-Alpes, avec Lyon, la Savoie, l’Isère, Saint-Étienne et le sud de la Franche-Comté jusqu’à Pontarlier; en Suisse, presque toute la Suisse romande à l’exception de la région de Délémont; et en Italie, le Val d’Aoste et quelques vallées des Alpes piémontaises jusqu’à Suse. Au Moyen Âge, et contrairement à l’occitan, l’arpitan n’a pas été le véhicule d’une production littéraire prestigieuse et les grands centres urbains comme Lyon, Genève ou Grenoble l’ont abandonné de bonne heure au profit du français, qui est devenu la langue de culture de tous les pays de langue arpitane, y compris la Suisse romande et le Val d’Aoste. Aujourd’hui, l’arpitan est extrêmement menacé sur la plus grande partie de son domaine français, même s’il reste vivace dans certaines régions comme la Savoie et le Val d’Aoste. Il n’est pas enseigné, sauf en Savoie, où il est proposé, sous le nom de savoyard, à quelques dizaines d’élèves, et au Val d’Aoste. Aucune Université du domaine arpitan ne propose de formation en langue régionale.

L'occitan

Le domaine de l'occitan ou langue d’oc recouvre entièrement ou partiellement plusieurs régions: Aquitaine (sauf le domaine du basque), Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon (à l’exception des Pyrénées-Orientales presque entièrement de langue catalane), Provence-Alpes-Côte d’Azur, Limousin et Auvergne (sauf les deux tiers nord du département de l’Allier); à quoi il faut ajouter la quasi-totalité du département de la Drôme et de l’Ardèche, dans la région Rhône-Alpes, et quelques communes des départements de la Charente, de l’Indre, du Cher et de la Loire. Hors de France, l’occitan est également parlé en Italie, dans une douzaine de vallées du Piémont et dans la commune de Guardia Piemontese, en Calabre, ainsi qu’en Espagne, dans la vallée pyrénéenne du val d’Aran, en Catalogne. Pour une langue régionale, c’est un territoire très vaste, qui n’a guère conscience de son unité. L’occitan, porté par la voix des troubadours, a joui d’un grand prestige littéraire au Moyen Âge, en même temps qu’il servait de langue administrative aux provinces du Sud. S’en est suivie une période de déclin de plusieurs siècles, qu’une brève Renaissance, à la fin du XVIe siècle et dans la première partie du XVIIe, n’a pu enrayer. La création du Félibrige, en 1854, marque le début de la Renaissance moderne de la langue d’oc, tandis que celle de l’Institut d’Estudis Occitans, en 1945, apporte une vision résolument moderne de la langue et de la culture occitanes, portées par un système graphique unique, adapté à chacun des grands dialectes. La situation de l’occitan est délicate et il s’agit clairement d’une langue menacée d’extinction. Une partie du domaine (Régions Occitanie, Nouvelle-Aquitaine et, beaucoup plus modestement, Auvergne-Rhône-Alpes) voit depuis quelques années se mettre en oeuvre une politique linguistique qui donne des raisons d’espérer, même si on est loin de toute situation "à la basque" ou "à la bretonne". La pratique de l’occitan est très variable d’une zone à l’autre; certains départements, comme la Dordogne, l’Aveyron ou le Cantal, restent très occitanophones, tandis que dans les grandes zones urbaines l’occitan peut désormais être considéré comme pratiquement éteint.


Le premier article de la Déclaration universelle des Droits de l'homme dans les langues de France. Source : Wikipédia (Joan-Cristòu Dordet pour le limousin).



arpitan pas de traduction connue de nous
basque Gizon-emakume guztiak aske jaiotzen dira, duintasun eta eskubide berberak dituztela ; eta ezaguera eta kontzientzia dutenez gero, elkarren artean senide legez jokatu beharra dute.
breton Dieub ha par en o dellezegezh hag o gwirioù eo ganet an holl dud. Poell ha skiant zo dezho ha dleout a reont bevañ an eil gant egile en ur spered a genvreudeuriezh.
catalan Tots els éssers humans neixen lliures i iguals en dignitat i en drets. Són dotats de raó i de consciència i han de comportar-se fraternalment els uns amb els altres.
corse Nascenu tutti l'omi liberi è pari di dignità è di diritti. Anu a ragione è a cuscenza è li tocca à agisce trà elli di modu fraternu.
occitan (limousin) Tots los èssers umans naissen libres e egaus tant de dignitat coma de drechs. Son dotats de rason e de consciéncia e se deven comportar los uns coma los autres emb un eime de frairesa.
occitan (provençal) Totei leis èstres umans naisson libres e egaus per la dignetat e lei drechs. An totei una rason e una consciéncia e se devon tenir frairenaus leis uns ambé leis autres.
langue d’oïl (français) Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
langue d’oïl (picard) Tous chés ètes humains is sont nés libes et égals in dignité et pi in drouots. Is sont dotés ed raison et d' conschienche et pi is doétte agir les uns invèrs les eutes din un ésprit ed fratérnité.
langue d’oïl (poitevin-saintongeais) Le munde trtouts avant naeçhu libres trtouts parélls den la dégnetai é den lés dréts. L´avant de l´aeme é de la cunsience é le devant coméyàe trtouts fratrnaument.
romani Sa e manušikane strukture bijandžona tromane thaj jekhutne ko digniteti thaj čapipa. Von si baxtarde em barvale gndaja thaj godžaja thaj trubun jekh avereja te kherjakeren ko vodži pralipaja.




(1) Un certain nombre de langues de France sont parlées outre-mer, voire sur le territoire métropolitain par des personnes origines d'outre-mer.

(2) Cf. Pascal Marchetti, La corsophonie, Un idiome à la mer, Albatros, 1989, pp. 126-185.

(3) Le corse était la forme parlée d’une langue dont la forme écrite était l’italien, mais ce binôme cesse de fonctionner avec l’éradication, sur l’île, de l’italien au profit du français: "passant de la définition de dialecte italien à celle – en réalité dépourvue de sens – de "dialecte-tout-court…", le corse se retrouve isolé, "coupé dorénavant de la sève nourricière du toscan littéraire, de l’italien commun" avec lequel "le cordon ombilical (est) tranché" (op. cit., p. 126)

(4) 330 000 habitants en 2016.

(5) à la seule exception de l’enseignement dispensé à l’Institut National des Langues et Civilisation Orientales (I.N.A.L.C.O.)

(6) Le cornique connaît depuis le début du siècle dernier un nouvel engouement, et est même en train de ressusciter, de manière très limitée, comme langue maternelle. Il existe des écoles immersives en cornique et en 2002, il a été reconnu comme langue minoritaire par les autorités du Royaume-Uni.

(7) L’irlandais, le gaélique écossais et le mannois forment l’autre sous-groupe, appelé goïdélique.

(8) Cette appellation a l’inconvénient de donner à penser qu’il s’agirait d’un simple parler de transition entre le français et l’occitan.