4. N. La prononciation de R en fin de mot
Cas général: les mots de formation populaire
Dans les mots de formation populaire (mots qui dérivent directement du latin), la lettre r est muette en fin de mot. C'est le cas:
- dans tous les infinitifs: cantar, béver, sentir...
- dans les autres mots de formation populaire: caçador, còr, amar, ger, heurèr, portèr...
Quelques exceptions
1. R final se prononce comme un r simple dans les mots où il remonte à un double r du latin (ou d'une autre langue):
- abòr ou agòr, automne (cf. basque AGORRIL)
- amor (autres formes: amorre, amorrro), engourdi par le froid
- bulèr (d'un mot néerlandais ou haut-allemand), bande de terre élevée par la charrue de par et d'autre du sillon et par extension, bordure de champ non labourée
- car, char (du latin CARRUM)
- cocar, vaurien (autre forme: cocarro)
- eslur, glissade (cf. eslurrar)
- hèr, fer (du latin FERRUM)
- pipèr, piment (cf. basque piperra)
- pitar, gorgé de vin
- tòr, gel (cf. torrar)
- Sont dans ce cas les formes verbales cor, de córrer (latin CURRIT), son dérivé arrecor de arrecórrer (couvrir, édifier un toit).
- Le mot pòr, variante de pòrro, poireau, du latin PORRUM, est la seule exception à cette règle: il se prononce [pɔ].
2. Toutefois, en gascon occidental (Nord et Ouest du Béarn, Bas-Adour, Landes), R final s'est amuï même dans les mots vus au point précédent.
3. R final se prononce toujours dans les prépositions enter, per et suber, où le latin avait pourtant un r simple, ainsi que dans le mot tir, tir, peut-être oar influence du français. Il en va de même dans ser et sur, sur, prépositions dérivées de suber, employées dans le Gers.
Il se prononce dans d'autres mots où il remonte pourtant à un r simple du latin:
- cièr, cendre (forme employée en Haute-Bigorre);
- mèr, pur (autre forme mèrre)
- mur, mur (cf. murralha)
- espèr (espoir) (de ce dernier mot, il existe une variante esper avec e fermée, où le r est muet)
- tambor, mot dont l'étymologie est arabo-persane (cf. tamborrada).
4. Pour les mots aur et tesaur, on a généralement conservé une prononciation francisée, en [ɔɾ]. Il convient de rétablir les prononciations gasconnes authentiques, en [aw], avec r muet.
5. R final se prononce dans les toponymes (liste non exhaustive) Bisquèr, Ger et Nestièr, ainsi que dans le toponyme Cièr (d'Arribèra, de Luishon), qu'il faudrait peut-être écrire Cièrp.
6. R se prononce dans les mots, d'emploi rare, bar et bors, dépourvus de sens par eux-même, mais employés dans les locutions hart e bar, repu; a torns e bors, en virevoltant.
7. Dans les régions orientales de la Gascogne, r final peut se prononcer dans des mots d'une seule syllabe, alors qu'il est muet dans les reste du domaine; ainsi dans còr, har (feu de joie), plor.
Autres cas: R devant S final
Dans les mots qui se terminent par un S précédé de R, celui-ci peut s'amuïr comme s'il était en position finale. Parrois, la prononciation sans R est de règle dans tout le domaine: denvèrs (revers, envers), vers [bes], versant, déversement, flux. Parfois, elle dépend des parlers: borsa; cors, cours; ors, ours, prononcé [us] (en Béarn) ou [uɾs], etc.
Emprunt au latin et au grec
Dans les mots que le gascon a emprunté au latin et au grec au fil des siècles, le R final se prononce:
- car [kar], car (conjonction)
- catar, cathare
- còr [kɔr], choeur
- fòr [fɔɾ], for (la prononciation sans r existe aussi)
- Lucifèr et son dérivé cifèr, démon
- pur [pyɾ], pur
- rar, rare (mot rare, précisément, on dit généralement reale)
Font exception la plupart des adjectifs savants en -ar, dont la prononciation correcte est avec r amuï (cf. CREO PRovence, Grammaire provençale, p. 25), tels que auxiliar, militar, popular,