1. A. Le féminin
La formation du féminin
Cas général
Le féminin des noms et des adjectifs se forme généralement par l'emploi d'un -a.
- Les noms et adjectifs terminés par une consonne ou par un -i atone forment leur féminin en ajoutant -a à la forme du masculin, y compris quand la consonne finale ne se prononce plus:
gat --> gata, nòvi --> nòvia, panissèr --> panissèra, valent --> valenta, sec --> seca, paisan --> paisana, emperador --> emperadora, actor --> actora.
Selon l'étymologie latine, la consonne finale du masculin peut se sonoriser au féminin: eishuc --> eishuga, amic --> amiga, espós --> esposa.
- Les noms et adjectifs terminés par un -e atone forment leur féminin en substituant un -a à ce -e:
dròlle --> dròlla, possible --> possibla.
En sud et est Béarn et en Lavedan, la prononciation demeure en [e] au féminin: possibla se prononce [puˈsibble]. L'apprenant pourra prononcer [puˈsibblɔ] à l'instar des autres parlers gascons.
- Dans les noms et adjectifs en -n, le -n peut tomber au féminin (chute du n intervocalique caractéristique du gascon), ou, plus rarement, passer à nh:
cosin --> cosia, vesin --> vesia, plen --> plea (plenha à Orthez), can --> canha.
- Dans les noms et les adjectifs en -th, th est remplacé par r au féminin:
anheth --> anhera, bèth --> bèra.
Deux exceptions: maseth fait maseda au féminin, et moth fait motha ou moda.
- Dans les noms et les adjectifs en -au, -iu, -òu, le -u final représente un ancien -l ou un ancien v, qui reparaît au féminin:
nau --> nava, esclau --> esclava, viu --> viva, hilhòu --> hilhòla.
Mais un certain nombre de cultismes en -èu forment leur féminin en -èa: atèu --> atèa, contemporanèu --> contemporanèa.
- Certaines modifications orthographiques sont susceptibles de se produire lors du passage du masculin au féminin: bearnés --> bearnesa, beròi --> beròja (prononcé [beˈɾɔjɔ] ou [beˈɾɔʒɔ]).
Exceptions
- Les adjectifs en -au, -èu et -iu sont généralement épicènes (ils ont une seule forme pour les deux genres) si le -u final correspond à un ancien -l: especiau --> especiau, nacionau --> nacionau, provençau --> provençau, grèu --> grèu, civiu --> civiu; mais hòu --> hòla, imperatiu --> imperativa.
Dans shuau, le -u final correspond à un ancien -v mais cet adjectif suit la même règle: shuau --> shuau.
Gran peut rester invariable en genre, notamment lorsqu'il précède le nom:
las grans vilas (Casebonne)
- IL y a des eceptions à cette règle: finau dans la locution (a la) fin finala; escarniau (fém. escarniala); hastiau (fém. hastiala), serviciau (fém. serviciala).
- Il existe des noms et des adjectifs épicènes se terminant par -a tant au masculin qu'au féminin: crana --> crana, malatraça --> malatraça en sont deux exemples de formation populaire, mais ce sont surtout des cultismes: agricòla --> agricòla, collèga --> collèga, monarca --> monarca. On trouve dans cette catégorie les nombreux noms et adjectifs terminés par le suffixe d'origine grecque -ista: dentista --> dentista, realista --> realista.
- Quelques féminins se forment à l'aide des suffixes -essa ou -ina: abat --> abadessa, diu --> divessa, poèta --> poetessa, eròi ---> eroïna, rei --> reina.
- Dans certains cas de noms d'êtres animés, le féminin est formé sur une autre racine que le masculin: òmi --> hemna, frair --> sòr, aso --> sauma, pòrc --> troja, bueu --> vaca, hasan --> pora.
- On laissera invariables en genre certains noms et adjectifs d'origine étrangère entrés récemment dans la langue: nazi --> nazi, sikh --> sikh.
Une particularité occitane
On peut mettre les noms de famille au féminin pour désigner familièrement l'épouse de quelqu'un:
La Lesclopèra: façon familière de désigner la femme d'un nommé Lescloupé, la Lescloupé
la Casaussua (Yan Palay): façon familière de désigner la femme d'un nommé Casaussus
la Trebuca (Camélat): façon familière de désigner la femme d'un nommé Trébucq
Localismes
- Dans certains parlers, le féminin est parfois formé à partir d'un masculin réinterprété: blu --> blura (Savès, Grande-Lande). Les locuteurs ont supposé un -r final muet à la fin de blu.
- Dans certains parlers encore, notamment dans le Haut-Adour, il existe des masculins en -e refaits à partir du féminin: fresque pour fresc, sane pour san, segure pour segur, largue pour larg. Ces formes sont très répandues pour les déterminants et pronoms indéfinis: on trouve souvent quandes, tandes (avec passage du t à d après n).
Le féminin à sens augmentatif
Pour les non-animés, une forme féminine s'opposant à une forme masculine a souvent un sens augmentatif:
sac, "sac" --> saca, "grand sac"; tistèth, "panier, corbeille" --> tistèra, "grande corbeille".
Ce n'est pas le cas pour les animés: parroquet, "perroquet"; parroqueta, "perruche".
Le féminin à sens neutre
Le féminin des pronoms personnels, indéfinis et démonstratifs a un sens neutre dans certains expressions:
Aquera n'ei pas l’auta!: "Ça, c'est un peu fort!" (expression)
E quin la t'a explicada? (Palay): "Et comment t'a-t-il expliqué cela?"
Quiò, hòu, e aquera que t'as pensada? (Camélat): "Ah oui, tiens, c'est ça ton projet?"
E quin la trobatz aquera, mes qu'èri hòu... (Camélat): "Que pensez-vous de cela, j'étais comme fou..."
Be n'avem hèit uas quants amassa capvath las carrèras de Seuvalonga. (Casebonne): "On en a fait quelques virées ensemble dans les rues de Sauvelongue."
Non pòt estar qu'un gelós qui s'a pensat de hà’m aquera. (Casebonne): "Ce ne peut être qu'un jaloux qui a eu l'idée de me faire ce mauvais coup."
Que la me pagaràs. (Palay): "Tu me paieras ça."
Que'm condèn qu'au lor vilatge que se n'i passava d’escandalosas. (Palay): "On me rapporta que dans leur village il se passait des choses scandaleuses."
Qu'as bèth croishí'ns, har-nse'n véder de bèras... (Al-Cartéro): "Tu as beau nous casser en deux, nous en faire voir de toutes les couleurs..."
Que hem dongas drin mei de camin, coma esmudits, cadun en se pensant las soas. (Camélat): "... chacun ruminant ses pensées."