4. Les adjectifs composés
Définition
On appelle ici adjectifs qualificatifs composés des adjectifs qualificatifs formés d'un adjectif qualificatif simple, précédé d'un nom qui indique à quelle partie de l'être ou de la chose désigné par le nom qualifié s'applique l'adjectif.
Ex.: un joen vetèth còrnablanc (Miquèu de Camelat)
L'adjectif qualificatif de départ, blanc, est précédé de còrna qui indique que c'est à cette partie du corps du veau qu'il s'applique.
Orthographe et prononciation
Les adjectifs composés s'écrivent sans trait d'union entre leurs éléments de base.
Premier élément terminé par -a
Cela s'applique aussi lorsque le premier composant se termine par un -a et que le second commence par une voyelle; dans ce cas, le a ne se prononce pas:
bocaestrets (Miquèu de Camelat) [bukesˈtɾets]
Si le second mot commence aussi par un a-, on ne note pas deux a:
arpagut (Camélat) (de arpa et agut)
Lorsque le second composant commence par une consonne, le -a final du premier composant se prononce toujours [ɔ] ([ə] en gascon occidental, mais [a] uniquement dans les parlers où c'est la prononciation normale de -a post-tonique):
bocacosuda (Palay) [ˌbukɔkuˈzydɔ] ([ˌbukəkuˈzydə])
Accomodations orthographiques
On ne redouble pas r et s initial du seond composant:
peurós (Oey en Bearn) [pewɾɾus]
gòrjasecat (Camélat) [ˌgɔɾjɔseˈkat]
Dans certains cas, des signes diacritiques seront nécessaires:
man·hreda (Manciet) (*manhreda se lirait [maɲˈɾeðɔ])
peurós (*peuros se lirait [ˈpewɾɾus])
Exceptionnellement, on pourra mettre un trait d'union lorsque le premier composant se termine par un n ou r non-prononcé et que le second composant commence par une voyelle:
còr-estrenhuts
Possibilités stylistiques
"La fille au long visage" peut se dire la gojata de la cara longa, la gojata dab la cara longa, ou la gojata caralonga. Si les deux premières formulations sont tout à fait correctes, la dernière est plus concise et fait des adjectifs composés une possibilité stylistique à exploiter à l'écrit et à l'oral, d'autant plus qu'ils constituent une catégorie ouverte, c'est-à-dire que l'on peut en créer de nouveaux à volonté. Quelques exemples:
l'emperador barbaflorit (d'après Palay): "l'empereur à la barbe fleurie"
Aquilles pèleugèr: "Achille au pied léger" (célèbre formule homérique)
lo can dentagut (Lalanne): "le chien aux dents acérées"
aqueth tronhòc eslorpassat (Palay): "ce petit bout d'homme défrâichi"
An·hòs,..., hontabevut,... (Camélat): "Alphonse..., toute honte bue,..."
A la hilha de Setina, aqueth gojat que l’agradava: còrtendre e d’esprit generós, qu’avè la lenga travada, com si avè paur de prononciar los mots mes a maugrat d’aquò que’u sentiva, que’u comprenè... (Yan dou Sabalot): "La fille de Sétine aimait bien ce jeune homme: tendre de coeur et d'esprit généreux..."
Les poètes notamment (Camélat, Sarrieu) font un large usage de ce mode de composition.
Substantivation
Comme les autres adjectifs qualificatifs, les adjectifs composés peuvent être substantivés:
Suson la peulongueta (pagalhós)
Particularité pyrénéenne
En gascon pyrénéen, le premier élément prend un suffixe -i, qui annonce ce qui se passe en castillan (et probablement en aragonais). Voici quelques exemples tirés de Pirèna de Bernard Sarrieu:
vièrja uelhisserena: "vierge à l'oeil serein"
coirijaunes pomes: "pommes d'un jaune de cuivre"
capirreneishença: "(hydre) à la tête renaissante"
bronzidurs unglons: "sabots durs comme le bronze"
cabihòrta: "forte tête", "entêtée"
(Il nous semble préférable ici de redoubler le r ou le s du second composant. D'autre part, on voit que le [p] final du premier élémet passe à [β], conformément aux règle de prononciation du gascon pyrénéen: cap e tot [ˌkaβeˈtut].