4. J. La prononciation de N en fin de mot
La lettre n correspond en gascon à deux sons différents:
- [n]: "n dental", se prononce avec la langue à la racine des dents;
- [ŋ]: "n vélaire", se prononce avec la langue placée sur le voile, prolongement membraneux du palais vers l'arrière de la cavité buccale.
En fin de mot, n se prononce différemment selon la classe à laquelle appartient le mot (verbe, nom...) et selon les lieux.
N final dans les formes verbales
N apparaît à la troisième personne du pluriel des verbes conjugués et se prononce généralement comme un n dental:
Que son. [ke ˈsun ]
Que cantan. [ke ˈkantɔn]
Toutefois, dans le Lot-et-Garonne, le nord et le centre du Gers et presque tout le Comminges, c'est un n vélaire qu'on prononce:
Que son. [ke ˈsuŋ]
Que cantan. [ke ˈkantɔŋ]
N final des autres mots: cas général
À la fin des autres mots, n final se prononce généralement [ŋ]:
Doman, qu'auram pan e vin. [duˈmaŋ, kawˈram ˈpaŋ ˈe ˈβiŋ]
Toutefois, ce [ŋ] a disparu en Béarn et dans les Hautes-Pyrénées. Soit on ne prononce rien du tout, c'est le cas des Hautes-Pyrénées et des vallées montagnardes béarnaises:
Doman, qu'auram pan e vin. [duˈma, kawˈram ˈpa ˈe ˈβi]
Soit il en reste une trace: la voyelle précédente est plus ou moins nasalisée, c'est-à-dire prononcée en évacuant l'air en partie par les narines, c'est le cas de tout le Béarn non-montagnard:
Doman, qu'auram pan e vin. [duˈmã, kawˈram ˈpã ˈe ˈβĩ]
Dans les noms et adjectifs qui se prononcent avec n vélaire, dans les zones correspondantes, devant s du pluriel celui-ci peut être prononcés ou disparaître, suivant les zones:
los cans [lus kaŋs] (Landes), [lus kas] (Gers).
N se prononce également [ŋ], ou disparaît, suivant les régions, dans de nombreux toponymes gascons comme Juranson,Madiran...
N final des autres mots: cas particuliers
N dental
Dans certains mots (qui ne sont pas des verbes), n final se prononce [n] (n dental) dans l'ensemble du domaine gascon.
Il s'agit tout d'abord de mots existant depuis longtemps dans la langue et d'emprunts divers: adarron, aliban (/aliman), an, arron, (a)ton, augan, balin-balan, bren, caven, carlaman, carrin-carran, cancan, carcan, chin, chorrin-chorran, cohen, con, crin-crin, curran, curron, demon (francisme pour demòni), din-din, dindon-dindon, divan, dondèna dondon, drin, emban, empan, endan, engan, enguan, entertien (/entretien), entien/entin, estron, examen, forban, galin, gran, grenchin-grenchan, guerlin-guerlan, gusman, man, mieitan, mon (possessif), mon (forme ancienne de monde), moribon, nan, on, pairan, pan ("pan de mur"), partisan, patin (dans e patin e patèna), paulin, pregon, quan, quin, rapian, redon, riban, roman ("roman", genre littéraire), Satan, segon, son (possessif simple), s(h)orrin, sostien, tin-tin, ton (manière de parler), ton (possessif simple), zon-zon. C'est aussi le cas des prénoms Bertran et Jan ou Joan, des formes verbales de la troisième personne du singulier des verbes en -éner et en -óner: enten, hen, pen, pren, ten, tien, ven et vien, et de leurs composés (apren...), hon, respon et de certains toponymes comme Montardon ou Orion.
- Toutefois, dans d'autres emprunts, c'est un n vélaire [ŋ] ou muet que l'on a: charlatan, cortisan, safran.
On a un n dental dans les diminutifs en -in: berogin [beɾuˈjin] ou [beɾuˈʒin].
C'est également le cas de mots entrés récemments dans la langue: mots en -èn comme eslovèn, oxigèn..., mots divers comme plan ("un plan") et ses composés, clan, fan, han, Neptun, roman ("un roman'), tsigan…
C'est enfin le cas de toponymes étrangers qui n'étaient guère employés jusqu'à présent en gascon: Afganistan, Iran, Liban, Teheran...
Le cas de TAN
L'adverbe tant s'écrit tan devant les adjectifs et les adverbes commençant par une consonne:
tant urós
tan viste
Ces deux formes peuvent se prononcer également [tan]. Toutefois, dans un grand nombre de lieux à travers toute la Gascogne, tan se prononce [ta]:
tan segur [ˈtan seˈɣy], [ˈta seˈɣy].
Le cas des toponymes gascons
Dans les toponymes gascons, n final peut être un n dental [n], ou un n muet. Se prononcent avec un n dental: Aran, Montardon, Orion, et, avec n suivi de s, Arrens et Coserans. Se prononcent avec un n muet: Arrustan, Campan, Loron, Madiran, Nebosan, Sarrancolin, et, avec n suivi de s, Lons.
Le cas de n final des paroxytons
Certains paroxytons (mots ayant l'accent tonique sur l'avant-dernière syllabe) se terminent par n; ce n est toujous muet: arràfen, òrguen, Guíshen, Bidàishen, Vidèren.
On notera que la forme d'ailleurs que la forme de gérondif en dísent se prononce bel et bien [en ˈdize].
Le cas de UN AUTE
Dans un aute, le n se prononce [ɲ], c'est-à-dire comme nh dans montanha. Ainsi, un aute se prononce [yˈɲawte] et même [ˈɲawte]. On trouve parfois la graphie 'n aut, qu'il convient d'éviter.
En Béarn et Bigorre, ua auta présente la même prononciation que un aute.
Divers
- N est, selon les lieux, vélaire ou muet dans autan ("l'autan") et tron ("tonnerre", mot ancien).
- N doit être, selon les lieux, vélaire ou muet dans bon Diu et bon ser. Il faut s'attacher à prononcer ces séquences correctement.
- panquesa ("belette") se prononce selon les lieux [paŋˈkezɔ], [paˈkezɔ] ou [pãˈkezɔ]. Ce mot est un hispanisme, composé des mots pan et queso.
- Dans non, le n final semble partout muet à l'heure actuelle. L'étude de textes antérieurs au XXe siècle montre qu'il était prononcé en maints endroits.
- On prononce n dental, devant s, dans le mot volons employé dans la locution volons o non: "bon gré mal gré".