1. C. Le pluriel
La formation du pluriel
Cas général
Le féminin se forme en ajoutant un -s à la forme du singulier:
arròsa --> arròsas, mainat --> mainats, triste --> tristes, abusèc --> abusècs.
Cas particuliers
Les noms en -ç, -(i)sh, -s, -tz, -x ou -s + consonne restent invariables au pluriel:
lo braç --> los braç; lo peish --> los peishs; l'òs --> los òs; la patz --> las patz; lo sufix --> los sufix; lo bòsc --> los bòscs.
Toutefois, en Gascogne orientale, ces mots forment leur pluriel, selon les parlers, en -es, en -is ou en -i: braces, bracis, braci; peishes, peishis, peishi; òsses, òssis, òssi; patzes, patzis, patzi; sufixes, sufixis, sufixi; bòsques, bòsquis, bòsqui.
Pour les adjectifs, les pluriels en -i sont fréquents, au masculin, dans le Haut-Comminges et au Val d'Aran: on trouve ainsi cari, prumèri, seguri.
Note de prononciation
- Les formes du pluriel des mots en -s + consonne se prononcent comme celles du singulier: bòsc ([ˈbɔs] ou [ˈbɔsk], selon les parlers --> bòscs (id.), gost ([ˈgus] ou [ˈgust], selon les parlers) --> gosts (id.).
- Pour les noms et adjectifs en -nh, le pluriel en -nhs se prononcent fréquemment [iˈzanʃ]. Dans certains parlers de Gascogne orientale, la mouillure peut disparaître tout à fait: [iˈzans]. On peut faire la remarque analogue pour les mots en -th là où ce digramme est prononcé [c]: castèth [kasˈtɛc] --> castèths [kasˈtɛtʃ].
Le pluriel des noms composés
Nous partons de l'exposé de Jean Bouzet dans son Manuel de grammaire béarnaise. Il distingue plusieurs cas:
- "Si le nom composé est formé de deux noms en apposition, ou d'un nom suivi d'un adjectif qui le qualifie, les deux termes reçoivent la marque du pluriel: pic escorcèr --> pics escorcèrs; bernat pudent --> bernats pudents." Jean Bouzet remarque avec raison que le -s ne s'ajoute qu'à la fin si les deux termes sont soudés en un seul mot: caminau --> caminaus, vinagre --> vinagres, ventploi --> ventplois.
Il faut toutefois nuancer cette règle: pòrta-frinèsta a pour pluriel pòrtas-frinèstas, mais on trouve des cas de deux noms apposés dont seul le premier prend le pluriel: lampas carbur (Manciet), memòrias ficcion (Léon Cordes), pèiras marme (Oéy en Bearn), paraules clau (Alidé Sans). La règle est la suivante: lorsque deux termes sont équivalents (une "porte-fenêtre" est à la fois une porte et une fenêtre), on met les deux termes au pluriel; lorsqu'ils ne sont pas le cas (une "lampe au carbure" est une lampe mais pas un carbure, les memòrias ficcion" sont des mémoires, mais de la fiction...), seul le premier se met au pluriel. On dira donc: escòlas pilòte, tiquets restaurant, veires champanha, posicions clau, ligams ipertèxte, cellulas soca, grops revelacion, porics mascle, centres vila, sacs plastic, imatges satellit, etc. Ici, même si les deux noms sont apposés, on est dans le cas ci-dessous.
- "Le terme qui est employé comme complément d'un nom ou d'un adjectif ne varie pas. Ex.: mair de popa --> mairs de popa, batalh d'esquira --> batalhs d'esquira, còthtòrt --> còthtòrt, coarroi --> coarrois", pènegre --> pènegres (Javaloyès), pètharroi --> pètharrois (Casebonne).
Néanmoins, dans la langue populaire, il est fréquent, dans le cas d'un nom employé comme complément d'un nom, que les deux éléments prennent la marque du pluriel; on trouve des formes comme loís d'aurs, caps d'ostaus, lutz-en-crampas, caps d'òbras. Ces formes de pluriel sont à rejeter: on dira et on écrira los loís d'aur, los caps d'ostau, los lutz-en-crampa, los caps d'òbra.
- "L'élément qui correspond à un nom, à un mot invariable (adverbe) ou à un adjectifs pris invariablement, ne se met pas au pluriel. EX.: pelapòrcs --> pelapòrcs, sautaprat --> sautaprats, fresc vadut --> fresc vaduts", vòlamaria --> vòlamarias, traucasèga --> traucasègas.
- Le cas peut se présenter où les deux noms sont invariables: bohabrac, petasec ("verbe et adverbe"), mais le parler populaire ajoute néanmoins un -s au dernier élément: bohabracs, petasecs."
darrèr recaptador deus sens-larèr! (Sabathé)
los dus bramapan (Sabathé)
un d'aqueth mots franchimands sauta-la-brosta (Camélat)
On ajoutera ceci à l'exposé de Jean Bouzet:
- Dans le cas des noms formés de deux éléments phonétiquement proches, mais dénués de sens à eux seuls, on peut marquer le pluriel aux deux éléments ou seulement sur le dernier: pachos-machos, micas-macas, rius-pius-pius, tics-tacs, nhica-nhacas, zig-zags, tu-tus.
- Certains noms et adjectifs composés ont deux pluriels et par conséquent deux orthographes possibles: mairbona --> mairbonas ou mair-bona --> mairs-bonas, reipetit --> reipetits ou rei-petit --> rei-petits. V. aussi la fiche 1. H. L'orthographe des mots composés et du trait d'union.
- Certains noms composés ne se rangeant dans aucune des catégories ci-dessus, nous donnons leur pluriel ici: bèth-non-arrens (Camélat), sabers-har, s'aví-sabuts, vòlamarias, arren-que valha plutôt que arren-que-valhas (Bladé), dèisha-m'estar plutôt que dèisha-m'estars (Camélat), annadas navanta (les numéraux cardinaux sont invariables).
Divers
Sens particulier du pluriel
Un nom ou un adjectif au pluriel peut s'appliquer à deux ou plusieurs êtres pouvant être de sexe différent: los aimadors, los mèstes, los mainats:
los mèstes d'Arrajòu, Bertomiu e Chila (Camélat)
Mais on ne dit pas *los pairs: ce mot est un catalanisme et un hispanisme à rejeter totalement. La forme correcte est los pair e mair (los pairs e mairs si on parle de plusieurs couples de parents). On emploie aussi souvent pair e mair.
Qu’avè los sons pair e mair a solament vint quilomètres de Gasteiz. (Arantxa)
Que los pairs e mairs son a plànher! (Fablas causidas)
Praubin, e'us va tornar véder a pair e mair? (Javaloyès)
Mots qui n'existent qu'au pluriel
Certains noms n'existent qu'au pluriel: Pascas (la Pasca judiva est une fête différente), archius, lèits ("laitance de poisson")...
Pluriel explétif
Certains mots sont employés au pluriel dans certains expressions sans que cela ne change rien au sens:
en cèrcas de Calineta (Sabalot)
Que la tiravan de hrèitas. (Lapassade)
Cas particuliers de pluriel
Contrairement au français et à certaines variantes occitanes comme le provençal, le gascon marque toujours le pluriel à l'oral: [s]. Ceci explique que des mots gascons marquent le pluriel là où leurs équivalents français ne le font pas.
Le pluriel des noms propres de personne
Les prénoms et les noms de famille se mettent au pluriel lorsqu'ils désignent plus d'un individu:
Que n’i deu aver, Andrèus, d’ací a Baiona! (Camélat)
los petits Ricons (Palay)
Los Salicetis son dejà partits. (Manciet)
N. B.:
1) Cette règle vaut pour les noms propres d'animaux domestiques:
Los Pigons que son hèra braves.
2) Les noms propres de personne restent invariables lorsqu'ils sont employés avec un nom commun déjà au pluriel:
los hrairs Scotto e los Montillas (Javaloyès): les frères Scotto et les Montilla
Les sigles
Les sigles, lorsqu'ils désignent plus d'une unité de la réalité qu'ils désignent, prennent également le pluriel.
Qu'èi crompat CD's.
Qu'a tribalhat tà uas quantas ONG's.
Dans ce cas, à l'écrit, il est préférable de faire précéder le -s du pluriel d'une apostrophe.
Les mots invariables
Un certain nombre de mots invariables, comme des adverbes, des conjonctions et des interjections, peuvent prendre le pluriel lorsqu'ils sont employés comme noms:
Apuish aver virat e arrevirat en son sicap los sis e los lhèus, los quiòs e los nons... (Simin Palay)
Dab lhèus ne s'i va pas luenh.
Que m'aburas dab los tons ses.
Mes, siá caprici, siá maishanta tèsta, jamés era bèstia non consentic a hèr un pas, demorant insensibla a totis eths hus e a totis eths diàs que’u cridavan. (Horosinach)
Dab los sons patapoms qu’eishordeish lo vialèr. (Labaig-Langlade)
Prince e Pòble ajulhats / plenharàn d’hosannas la gaia Catedrala. (Labaig-Langlade)
Cependant, les locutions, formées de plusieurs mots, restent invariables:
Ne i avè mei que lo telèr de Mamà qui continuava de har retrenir los reclams deus sons pam, pam, pam. (Palay)
enter los senhors mon Diu! e los per ma fe!... (Sabalot)
Que haràs cinc paters entà la penitença e cinc je vous salue.