Différences entre les versions de « 1. L'origine du lexique gascon »
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Au cours de son histoire, le gascon, principalement les parlers du sud du domaine, a emprunté des mots à l'espagnol voisin (aragonais et castillan); citons '''arbaròt''', '''artaho''', '''bòlo''', '''flasco''', '''hitano''', '''sapo'''... Les emprunts aux autres langues, comme l'italien, sont passés par l'intermédiaire du français: '''partisan''', '''valisa'''. Enfin, le gascon emprunte aujourd'hui nombre de mots à l'anglais, particulièrement dans le domaine des techniques, mais ces emprunts se font par l'intermédiaire du | Au cours de son histoire, le gascon, principalement les parlers du sud du domaine, a emprunté des mots à l'espagnol voisin (aragonais et castillan); citons '''arbaròt''', '''artaho''', '''bòlo''', '''flasco''', '''hitano''', '''sapo'''... Les emprunts aux autres langues, comme l'italien, sont passés par l'intermédiaire du français: '''partisan''', '''valisa'''. Enfin, le gascon emprunte aujourd'hui nombre de mots à l'anglais, particulièrement dans le domaine des techniques, mais ces emprunts se font par l'intermédiaire du fr.; les linguistes s'efforcent d'indiquer la prononciation authentiquement occitane de ces anglicismes. | ||
Version du 13 juin 2022 à 15:26
Le lexique gascon: une origine latine
Plus de 80 % du lexique gascon vient du latin parlé tardif (à partir du IIIe siècle après J. C.). Ce lat. parlé tardif était sensiblement différent du lat. classique de Cicéron. Dans son livre Du gascon au latin, Jean Bouzet a rappelé les règles qui régissent l'évolution du lat. au gascon.
Les noms et les adjectifs gascons viennent généralement de l'accusatif du mot lat. correspondant; celui-ci se terminait par un -M qui ne se prononçait déjà plus au Ier siècle de notre ère; aussi donne-t-on l'accusatif des mots lat., sans le -M final, lorsque l'on cite l'étymologie de noms et adjectifs gascons ou d'autres langues romanes: OVU > ueu (l'accusatif est ovum).
À part -a, les voyelles finales des étymons lat. sont tombées très tôt en gascon, dès l'époque où se constituait notre langue: OVU ( > *[ɔw] > *[wɔw] > *[wɛw] > ) ueu [wew]; CANE > can; MARE > mar; SURDU > shord; VIDERE > véder; BONU > bon.
Toutefois, après une suite de deux consonnes, notamment occlusive + liquide, le gascon a maintenu une voyelle de soutien -e: NUMERU > nombre, DUPLU > doble, QUINDECIN > quinze.
-A final des étymons latins s'est maintenu: PETRA > pèira.
Cette évolution différente pour a et les autres voyelles finales du lat. rapproche le gascon et l'occitan dans son ensemble du catalan et du fr.
Si le lexique du lat. parlé tardif était dans sa grande majorité proprement lat., la langue avait aussi assimilé bon nombre de mots d'origine grecque ou gauloise.
Mots d'origine grecque
Les mots d'origine grecque employés en lat. parlé tardif désignent souvent des réalités de la vie quotidienne; citons, pêle-mêle, boder, castanha, cerisa, escòla, papèr, paraula, roncar, sauma...
Parmi ces mots, il en est qui concernent la religion chrétienne: avesque, batiar, diable, glèisa, parròpia...
Le gascon doit aussi au grec, via le lat. parlé tardif, un mot grammatical, cada, et un suffixe verbal, -ejar (du latin parlé -IDIARE, emprunté au grec -ίζειν).
Mots d'origine gauloise
Les Gaulois n'ont été que partiellement implantés dans l'Aquitaine pré-romaine, mais le lat. parlé tardif avait emprunté au gaulois un certain nombre de mots, dont certains ont circulé parfois loin de la Gaule (Espagne, Italie...). Maurice Romieu et André Bianchi (Gramatica de l'occitan gascon contemporanèu) estime leur nombre à une centaine; ce sont des mots de la vie quotidienne: banasta, car ("char"), camin, camisa, esclòp, laudeta, marla, pairòu...
Mots d'origine aquitanique
Ces mots, peu nombreux, ont trait à la vie quotidienne: abòr, artiga, avajon, barta, eslurrar, gahús, harri, sarri, tinhahús... On en retrouve la trace en basque. Deux de ces mots, esquèrra et estauviar, que l'on retrouve en languedocien et en catalan, circulaient sans doute en lat. parlé tardif hors de leur domaine d'origine: cf. catalan esquerra, estalviar...
Mots d'origine germanique
Les Wisigoths ne sont restés qu'un siècle en Aquitaine, et ne nous ont transmis que peu de mots, parmi lesquels estaca, hanga. D'autres mots d'origine germanique, plus nombreux, proviennent du francique, la langue des Francs, qui ont dominé le sud de la Gaule à partir du VIème siècle de notre ère: botar, causir, esquia, gahar, guadanhar, guarir, güèrra, hauta, hornir, lecar, raubar...
Mots d'origine arabe
Le gascon contient un certain nombre de mots d'origine arabe dont la pénétration est sans doute en rapport avec la participation des Gascons à la Reconquista de l'Espagne; toutefois, plusieurs d'entre eux sont arrivés jusqu'à nous par l'intermédiaire de l'italien. On compte parmi les mots d'origine d'arabe alambic, algarada, armanac, assasin, azard, (en de) batles, coton, chifra, cremesin, espinac, matalàs, merinjana, safran, tambor...
Mots d'origine française
Dès le Moyen Âge, l'occitan en général, et le gascon en particulier, ont emprunté des mots au fr. D'un commun accord, les linguistes travaillant sur l'occitan considèrent ces mots aussi légitimes que les emprunts à d'autres langues, car l'occitan n'était alors pas subordonné au fr. Citons parmi les emprunts médiévaux atge, baloard, bonur, dangèr, malur, pichèr, pòcha...
On peut considérer que l'occitan est devenu une langue subordonnée du fr. au XVIème siècle et, pour cette raison, nombre de linguistes sont plus réservés au sujet des emprunts faits au fr. depuis ce siècle jusqu'à nos jours: chivau, lapin, mossur, medecin, pijon, primtemps, solièr, suenh... Parallèlement, la forme de certains mots gascons s'est modifiée au contact du fr.: güèrra est devenu guèrra.
Emprunts au latin et au grec
Cette catégorie de mots diffère sensiblement de celle des mots venus directement du lat. parlé: ce sont des mots empruntés directement au lat. classique ou médiéval, ou encore au grec, que le gascon a forgé pour désigner des réalités nouvelles. Dès le Moyen Âge, le gascon a emprunté au lat. des mots tels que acordar, denonciar, espitau, gràcia, notari, ofici, pensar, pregària... À partir du XVIème siècle, les Gascons ont redécouvert le lat. classique et il semble que c'est à cette époque que defénder a remplacé dehéner dans la majeure partie du domaine, ou que mandar a pris la place de manar; le poids des mots fr. correspondants a sans doute joué en faveur de cette évolution.
Car à partir de cette époque, ces emprunts sont passés de plus en plus par le filtre du fr. et il a fallu l'effort des linguistes du XXème siècle, au premier chef Alibert, pour les reconstruire selon les règles de la phonétique occitane; c'est ainsi que machina a été remplacé par maquina, que glòria a été rétabli face à gloèra ou que l'on a préféré foncion à *fonccion.
À partir de la fin du XIXème siècle, l'essor ininterrompu des sciences et des techniques a entraîné la création de néologismes formés à partir de racines lat. et grecques; les linguistes se sont employés à en occitaniser la forme; citons, au hasard, arqueologia, biologia, circonstància, epizootia, fotografia, ipotèsi, ortografia, et des centaines, voire des milliers d'autres.
- En particulier, le gascon, comme l'occitan en général et le catalan, a recours au lat. pour former les mots de la même famille que ceux déjà existant dans la langue; c'est pourquoi on a posicion face à pausar, ou correspondéncia face à correspóner. Ça n'a pas toujours été le cas dans l'histoire de la langue: mair --> mairau, "maternel"; nòvis --> noviau, "nuptial"; pòble --> poblacion, "population"; segur --> seguretat ("sûreté", mais aussi "sécurité").
Emprunts à d'autres langues
Au cours de son histoire, le gascon, principalement les parlers du sud du domaine, a emprunté des mots à l'espagnol voisin (aragonais et castillan); citons arbaròt, artaho, bòlo, flasco, hitano, sapo... Les emprunts aux autres langues, comme l'italien, sont passés par l'intermédiaire du français: partisan, valisa. Enfin, le gascon emprunte aujourd'hui nombre de mots à l'anglais, particulièrement dans le domaine des techniques, mais ces emprunts se font par l'intermédiaire du fr.; les linguistes s'efforcent d'indiquer la prononciation authentiquement occitane de ces anglicismes.