Différences entre les versions de « 3. Les caractéristiques du gascon dans l'ensemble occitan »
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* - LL > TH en finale de mot, R à l’intervocalique. En position finale, le LL aboutit d’abord à un t "mouillé" ([c]) : BELLU > '''bèth''' [bɛc] « beau », '''grith''' "grillon", '''castèth''' "château"; ce phonème [c] évolue généralement, et se simplifie en [t], ou se renforce en [ʧ]: [bɛt], [bɛʧ]. En position intervocalique, on a: BELLA > '''bèra''' "belle". Par une évolution plus récente (latinismes médiévaux), on a parfois LL > LH, que ce soit en finale ou à l’intervocalique: '''cristalh''' "cristal", '''nulh''' "nul" (pronom indéfini de l’ancien gascon), '''bulhir''' ("bouillir", nord-gascon), et, avec un étymon en L simple, '''vassalh''' (< VASSALU). | * - LL > TH en finale de mot, R à l’intervocalique. En position finale, le LL aboutit d’abord à un t "mouillé" ([c]) : BELLU > '''bèth''' [bɛc] « beau », '''grith''' "grillon", '''castèth''' "château"; ce phonème [c] évolue généralement, et se simplifie en [t], ou se renforce en [ʧ]: [bɛt], [bɛʧ]. En position intervocalique, on a: BELLA > '''bèra''' "belle". Par une évolution plus récente (latinismes médiévaux), on a parfois LL > LH, que ce soit en finale ou à l’intervocalique: '''cristalh''' "cristal", '''nulh''' "nul" (pronom indéfini de l’ancien gascon), '''bulhir''' ("bouillir", nord-gascon), et, avec un étymon en L simple, '''vassalh''' (< VASSALU). | ||
* Chute du N intervocalique du latin: LUNA > '''lua''' "lune", mais il subsiste dans certains parlers une nasalisation de la voyelle qui précède: [ˈlỹɔ]. Il arrive souvent que cette nasalisation, placée entre deux voyelles, aboutisse à [ɳ]: cf. '''piadar''' ou '''pinhadar''' "pineraie", '''mosca caïsca''' ou '''mosca canhisca''' "mouche du chien"; '''menha''', forme locale du possessif '''mea'''; '''cua''' ou '''cunhèra''' "berceau"; '''averaèr''' ou '''averanhèr''' "noisetier", '''granhar'''' (> '''grainar''') "récolter le grain", et la prononciation de '''un aute''' ([uˈŋaute], voire [ˈɲaute]). Il arrive aussi que la seconde voyelle disparaisse en finale: '''lan''' [lã] "laine", '''hontan''' "fontaine", '''averan''' "noisette", THIANA > '''sian''' "tante". Ce ''n'' se conserve dans les parlers gascons de la Gironde et des régions limitrophes du languedocien: '''luna'''. Le ''n'' est souvent rétabli sous diverses influences (latin, français, castillan...): '''cadena''' - mais '''cadea''' subsiste en Haut-Adour (Filadèlfa de Gèrda, ''Eths crits | * Chute du N intervocalique du latin: LUNA > '''lua''' "lune", mais il subsiste dans certains parlers une nasalisation de la voyelle qui précède: [ˈlỹɔ]. Il arrive souvent que cette nasalisation, placée entre deux voyelles, aboutisse à [ɳ]: cf. '''piadar''' ou '''pinhadar''' "pineraie", '''mosca caïsca''' ou '''mosca canhisca''' "mouche du chien"; '''menha''', forme locale du possessif '''mea'''; '''cua''' ou '''cunhèra''' "berceau"; '''averaèr''' ou '''averanhèr''' "noisetier", '''granhar'''' (> '''grainar''') "récolter le grain", et la prononciation de '''un aute''' ([uˈŋaute], voire [ˈɲaute]). Il arrive aussi que la seconde voyelle disparaisse en finale: '''lan''' [lã] "laine", '''hontan''' "fontaine", '''averan''' "noisette", THIANA > '''sian''' "tante". Ce ''n'' se conserve dans les parlers gascons de la Gironde et des régions limitrophes du languedocien: '''luna'''. Le ''n'' est souvent rétabli sous diverses influences (latin, français, castillan...): '''cadena''' - mais '''cadea''' subsiste en Haut-Adour (Filadèlfa de Gèrda, ''Eths crits'', où l’on trouve aussi une forme '''planha''' "plaine"), '''lesena''' ''vs.'' '''lésia''' "alêne". Le gascon partage cette évolution avec le portugais. | ||
Version du 8 décembre 2019 à 12:59
Certains ont douté, doutent encore, que le gascon soit classable dans l'ensemble occitan: pour eux, il constituerait une langue à part. Il est vrai que ce dialecte possède des traits originaux que l’on ne retrouve dans aucun autre dialecte, et qui en font un idiome de transition entre le sud-occitan (languedocien et provençal) et l’ibéro-roman. Cependant, la pratique de la Renaissance félibréenne et occitaniste a ancré le gascon dans la communauté linguistique d’oc; par ailleurs, l’éminent linguiste Pierre Bec a proposé de reconnaître un groupe occitano-roman regroupant l’occitan (gascon y compris) et le catalan (1).
Voyons donc ici quels sont les traits caractéristiques du gascon, sur les plans phonétique, morphologique et syntaxique.
Particularités phonétiques
Voyons d'abord les traits que le gascon ne partage avec aucun autre dialecte occitan.
Les particularités phonétiques propres au gascon
- F > H: le F latin a été remplacé par une aspiration. Ex.: FILIA > hilha "fille". Devant une consonne, cette aspiration s’est amuïe: FRIGIDU > hred [ret] "froid", ou, plus souvent, donne lieu à des réalisations diverses: hred > hered, hruta > heruta (Luchon), hregar > heregar "frotter; frayer" (vers Lannemezan); hlagèth > eslagèth "fléau", INFLARE > en·hlar ou ADFLARE > aholar (en Bigorre). Parfois, le f a été rétabli: hresc remplacé par fresc ou hlor remplacé par flor (ou par eslor). On trouve une évolution semblable en castillan.
- - LL > TH en finale de mot, R à l’intervocalique. En position finale, le LL aboutit d’abord à un t "mouillé" ([c]) : BELLU > bèth [bɛc] « beau », grith "grillon", castèth "château"; ce phonème [c] évolue généralement, et se simplifie en [t], ou se renforce en [ʧ]: [bɛt], [bɛʧ]. En position intervocalique, on a: BELLA > bèra "belle". Par une évolution plus récente (latinismes médiévaux), on a parfois LL > LH, que ce soit en finale ou à l’intervocalique: cristalh "cristal", nulh "nul" (pronom indéfini de l’ancien gascon), bulhir ("bouillir", nord-gascon), et, avec un étymon en L simple, vassalh (< VASSALU).
- Chute du N intervocalique du latin: LUNA > lua "lune", mais il subsiste dans certains parlers une nasalisation de la voyelle qui précède: [ˈlỹɔ]. Il arrive souvent que cette nasalisation, placée entre deux voyelles, aboutisse à [ɳ]: cf. piadar ou pinhadar "pineraie", mosca caïsca ou mosca canhisca "mouche du chien"; menha, forme locale du possessif mea; cua ou cunhèra "berceau"; averaèr ou averanhèr "noisetier", granhar' (> grainar) "récolter le grain", et la prononciation de un aute ([uˈŋaute], voire [ˈɲaute]). Il arrive aussi que la seconde voyelle disparaisse en finale: lan [lã] "laine", hontan "fontaine", averan "noisette", THIANA > sian "tante". Ce n se conserve dans les parlers gascons de la Gironde et des régions limitrophes du languedocien: luna. Le n est souvent rétabli sous diverses influences (latin, français, castillan...): cadena - mais cadea subsiste en Haut-Adour (Filadèlfa de Gèrda, Eths crits, où l’on trouve aussi une forme planha "plaine"), lesena vs. lésia "alêne". Le gascon partage cette évolution avec le portugais.
(1) Pierre Bec distingue plus précisément trois langues dans ce groupe occitano-roman: l’occitan stricto sensu, le gascon et le catalan, mais affirme également que le gascon, "ne serait-ce que par sa situation socioculturelle dans l’hexagone français", est "entraîné impérativement dans le sillage et le dynamisme de la reconquête occitane dans son ensemble" (cité par Thomas Field in Présent et passé de la langue de Gascogne, communication au VIIIe Congrès de l’A.I.E.O. tenu à Bordeaux en 2005). Thomas Field a dans cet article la même conclusion formulée en d’autres termes: "Une approche qui privilégie le gascon dans le Sud-Ouest mais qui place ce gascon dans un contexte "occitan" nous semble ce qu’il y a de plus prometteur pour la langue et – peut-être plus important – de plus utile aux jeunes, qui s’ouvrent ainsi à un univers culturel et littéraire riche et varié."