Différences entre les versions de « 5. Mots à revoir »
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<nowiki>*</nowiki>''Novèlas mei'' ne veut pas dire "autres nouvelles", "d'autres nouvelles". Cela se dit '''autas novèlas''', '''d'autas novèlas'''. | * <nowiki>*</nowiki>''Novèlas mei'' ne veut pas dire "autres nouvelles", "d'autres nouvelles". Cela se dit '''autas novèlas''', '''d'autas novèlas'''. | ||
Toutefois, on peut employer ''mei'' après un nom avec le sens de "autre", mais seulement en présence d'un numéral ou d'un quantifiant: | * Toutefois, on peut employer ''mei'' après un nom avec le sens de "autre", mais seulement en présence d'un numéral ou d'un quantifiant: | ||
'''quate mei charpantèrs''' [''sic''] (Lalanne): "quatre autres charpentiers" | '''quate mei charpantèrs''' [''sic''] (Lalanne): "quatre autres charpentiers" | ||
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'''shens aver nat mainatge mei''' (Hustach): "sans avoir aucun autre enfant" | '''shens aver nat mainatge mei''' (Hustach): "sans avoir aucun autre enfant" | ||
'''quant de plasers mei''' (Yan de Sègues) | '''quant de plasers mei''' (Yan de Sègues): "combien d'autres plaisirs" | ||
Toutefois, il est plus courant de dire '''autes quate hustèrs''' (plutôt que *''quate autes hustèrs'', construction francisée), '''nat aute mainatge'''. | Toutefois, il est plus courant de dire '''autes quate hustèrs''' (plutôt que *''quate autes hustèrs'', construction francisée), '''nat aute mainatge'''. | ||
* Dans tous les autre cas, cet emploi de ''mei'' postposé, au sens de "autre", est un barbarisme à éviter absolument. | |||
Version du 23 mai 2022 à 15:34
Le dictionnaire de Per Noste est d'un niveau globalement satisfaisant, mais l'orthographe de certains mots gascons y est à revoir, tandis que d'autres mots donnés comme équivalents du français semblent avoir été inventés de toutes pièces par les auteurs. Nous ne considérons ici que quelques-uns de ces mots qu'il faudra revoir.
On pourra lire en complément à cette fiche le paragraphe 1._A._Les_principes_de_la_graphie_classique#Vers_une_orthographe.
A
*AMASSADA
Ce mot est authentiquement gascon, mais désigne en fait une réunion informelle: réunion de gens à l'occasion d'une fête ou d'un marché, à la veillée... Casebonne nous apprend qu'au marché d'Oloron du vendredi saint, arren non manca de çò qui's ved en ua d'aqueras amassadas d'ahars e de passei ("rien ne manque dans une de ces assemblées d'affaires et de promenade"). Camélat parle de reünion familiau. Pour parler de la réunion d'une association ou du conseil des ministres, on emploiera, comme dans les autres langues romanes, reünion. Pour "assemblée générale", amassada ne convenant pas non plus, on dira assemblada generau. Le mot assemblada est authentiquement gascon.
*ÀNJOL
L'étymologie étant ANGELU, il n'y a pas lieu d'adopter cette graphie faussement étymologique. On écrira anjo. On évitera tous les -l muets en fin de mot puisque le -l final roman s'est vocalisé en gascon; on écrira còsso et non *còssol (et encore moins *cònsol). On admettra capítol, títol parce que ces formes sont largements socialisées, mais il faut les prononcer correctement, sans [l] final: [kapˈitu ], [tˈitu].
*ARREGUITNAR
Palay écrit <arreguinnà>, mais aussi <arreguisnà> en indiquant que cette forme s'emploie dans le gers; d'autre part, le dictionnaire de l'abbé Foix donne aussi, pour le gascon des Landes, <arreguisnà>. Il convient donc d'écrire arreguisnar. L'étymologie est le gothique WINNAN, avec passage de n à s dans certains parlers.
*ASSASSIN
Le Per Noste porte *assassin pour le français "assassin ", mais le Palay donne <assasî>, que l'on trouve, au demeurant, dans plusieurs textes d'auteurs de la pemière moitié du XXe siècle. La forme correcte est donc assasin, et de là assasinar, assasinat, assasinaire.
*ATÉNER
Cette forme est une invention du dictionnaire de Per Noste: la forme authentique est aténder. Cette forme peut étonner: il s'agit sans aucun doute d'un emprunt au latin. Elle est attestée depuis au moins le XVIe siècle: Ordonnam que los Executors deus Mandements de Iusticy (…) segon que per la partide executante seran requerits, sens attender ni seruar l’ordre de drect tocquant lasdites executions... (Styl de la Justicy deu païs de Bearn)
*AUTORN DE
On écrit au près, on écrira donc au torn de, d'autant plus que l'on dit peu torn de, tirà's deu torn, Que'm virava au torn.
B
*BRINCHUT
Ce mot se prononce [bɾinʃˈyt] dans la chanson écrite par Al-Cartero Los picatalòs. L'auteur était de Salies, localité du Nord-Ouest du Béarn où ch se prononce [c] (sauf dans les francismes). On doit donc écrire brinshut. Ce mot vient de brinsha, "fibre", qui est lui-même issu de brin, "brin".
*BRUTLAR
[bɾyllˈa] doit-il s'écrire brutlar ? Dans la mesure où le Palay donne une variante de prononciation [brynˈla], cette orthographe est sans aucun doute correcte: on sait que le groupe de consonnes TL se prononce [nl] dans de nombreux parlers. Pour autant, elle n'englobe pas toutes les terminaisons possibles: Palay donne aussi <bruslà>, et Camélat a écrit ce mot ainsi dans toute son oeuvre. Il convient donc d'accepter également une forme bruslar (prononcée [bɾyllˈa] ou [bɾyzlˈa], forme au moins béarnaise et lavedanaise, en plus de brutlar. Au demeurant, il existe un doublet bien connu usclar. L'orthographe bruslar est conforme à l'étymologie USTULARE (voir ici: [1]).
C
*CAUT E HRED
"Un chaud et froid" ne se dit pas *un caut e hred, francisme à rejter absolument et que l'on s'étonne de trouver dans le dictionnaire de Per Noste, mais un contrari:
Quan vien d’amainadar, Belina que gaha un contrari e que se’n moreish, la praubòta, en deishar soleta ua nèna qui gemica au brèç (Simin Palay): "Alors qu'elle vient d'accoucher, Béline attrape un chaud et froid et en meurt, en laissant seul un bébé qui gémit dans son berceau".
*CHACAR
Il existe une forme sacar, ce qui prouve qu'il y a eu chuintement du s initial; Vincent Foix donnant, pour les Landes, la forme [caˈka], on admettra que sh peut se prononcer [c] en gascon occidental. Pour ce mot et les suivants, cf. la fiche [2]
*CHEBIT ET DÉRIVÉS
Ce mot est sans doute à l'origine une onomatopée; de ce fait, il n'y a pas d'étymologie qui imposerait une orthographe plutôt qu'une autre. Cependant, le dictionnaire de Vincent Foix ne donnant pas de forme avec [c] et l'aranais écrivant shebitejar, il convient d'écire shebit, shebitar, shebitejar et dérivés.
*CHISCLAR
Il existe une forme sisclar, ce qui prouve qu'il y a eu chuintement du s initial; on doit donc écrire shisclar. Au demeurant, le dictionnaire du Vincent Foix donne <chiscla> [ʃisˈkla].
*CHUCAR
Ce mot vient du latin SUCCARE. En outre, Simin Palay donne: suc. — V. chuc plus usité et ses dérivés. Vincent Foix donne les deux formes [ʃykˈa] et [cykˈa]. L'étymologie devant être préférée pour le choix de la graphie englobante, celle-ci ne peut être que shucar, en admettant, comme nous l'avons déjà dit, que sh peut se prononce [c] en gascon occidental.
*COIRASSA
Donné par le Per Noste pour "cuirasse", coirassa est un mot de l'ancien occitan, mais le mot gascon est cuerami.
*COLHON ET DÉRIVÉS
Palay écrit <couyoû>. Il s'agit visiblement d'une prononciation déformée par euphémisme de colhon. On distinguera donc coion "sot, imbécile" de colhon (vulg., "testicule").
*COLPA
Ce l s'est vocalisé très tôt et n'est prononcé nulle part; on écrira copa; de même, on écrit vop (< VULPE) et pas *volp.
*CONSIRAR
Le n de ce mot ne se prononce nulle part; il était d'ailleurs déjà muet en latin parlé. On écrira cossirar.
*CORBAISH
Ce mot, qui est une variante de corbàs, doit être écrit corbash. Nous nous permettons de renvoyer à la fiche sur l'emploi de CH, SH et TH: [[3]].
*CÒS
Cette graphie n'est pas englobante pour le gascon puisque certains parlers prononcent [kˈɔɾɾs]. En outre, les diminutifs ont un [p] (au ras deu ton praube corpishòt, Simin Palay). De surcroît, còrs signifie "corsage". Il convient donc d'écrire còrps. C'est une graphie donnée ailleurs, pour le limousin, par Yves Lavalade dans son Dictionnaire français-occitan.
D
*DELICATESSA
Per Noste donne justement pour "délicat, -e", delicat, -ada. Les dérivés se formant à partir de la forme féminine, on doit avoir la forme delicadessa. On peut aussi, pour la formation des dérivés, remonter au latin, mais force est de constater que le catalan, qui remonte lui aussi largement aux formes latines pour la formation des dérivés, a delicadesa. Le dictionaire du CREO Provence opte lui aussi pour delicadesa. On choisira donc, pour le gascon, la forme delicadessa.
*DESAPARÉISHER
Desaparéisher existe:
Que desapareishèn, un còp vrenhas hèitas, dinc a un aute torn (Palay): "Ils disparaissaient, une fois les vendages faites, jusqu'à une autre fois."
Que desapareish ua pausa (Bouzet): "Elle disparaît un moment."
Mais cette forme semble moins courante que desparéisher:
De dia en dia la plaga que despareish (Abadie): "Jour après jour la plaie disparaît."
Los dus auts que despareishen. (Palay): "Les deux autres disparaissent."
Narcisse Labòrda que despareishè (Camélat): "Narcisse Laborde disparaissait."
Lo cafard despareish davant lo vin, se ne bevan pas tròp. (Saint-Bézard): "Le cafard disparaît devant le vin, si on n'en boit pas trop."
La soa familha que despareish deus actes de la vila de Montrejau (Camélat): "Sa famille disparaît des actes de la ville de Montréjeau."
L’avion despareishè tot doç, mèi immobil que la nueit (Manciet): "L'avion disparaissait doucement, plus immobile que la nuit."
Qu’anèi de cap ad eths e que despareishón. (Javaloyès): "J'allai vers eux et ils disparurent."
Il faut donc privilégier cette forme.
E
*E DONC
E donc veut dire "et donc". Lorsqu'il s'agit de l'interjection qui signifie "eh bien !", il y a lieu d'écrire eh donc, et ce d'autant plus que dans de nombreux parlers on prononce [heðˈuŋ] ou [hɛðˈuŋ].
*ELEI(T)
Simin palay donne le mot <eléy> au sens d'"élite", et ajoute: "On écrit aussi de ley, avec le même sens." Nous pensons qu'il s'agit bien d'un emploi du mot lei et qu'il n'existe pas de mot *elei (et encore moins *eleit). Au demeurant, l'erreur semble remonter à Mistral lui-même. Le mot de la famille de esléger qui correspond par sa formation au français "élite" serait esleita, mais il n'en a pas le sens. On adoptera le francisme "élite", comme l'on fait diverses langues européennes, d'autant plus que le mot a pris des connotations parfois péjoratives dans le contexte politique actuel. Nous proposons donc elita.
*EN DE BALAS
Cette locution doit s'écrire en de batles, conformément à la seule prononciation donnée par le dictionnaire de Simin Palay (<endebàlle̩s>) et à l'étymologie, arabe باطل (bâṭil).
*ENVÒUVER
Cette forme signifie "emblaver" et est donné dans le Palay sous la forme <embòbe̩>. Ce qui se prononce [embˈɔβe] ne se prononçant pas [embˈɔwβe], il y a lieu d'écrire envòver, même si l'étymologie latine est INVOLVERE.
*ESBERIT
Le dictionnaire français-occitan limousin d'Yves Lavalade donnant la forme esverit [ejveɾˈiː] pour ce dialecte, il convient d'écrire esverit.
*ESGARRAUISHAR
Ce mot, qui signifie "égratigner" et se prononce [ezgaɾɾawʃˈa], dérive de garra avec des éléments onomatopéïques (cf. catalan esgarrinxar). Il n'y a pas lieu d'écrire ici -ish- pour [ʃ], puisque l'emploi de ish se justifie par l'existence d'un i prononcé ailleurs dans le diasystème occitan; or, hors du gascon, il n'y a pas de forme avec [is] ou [iʃ]. Il est plus que douteux que la vallée d'Aspe prononce [ezgaɾɾawiʃˈa] avec [i] comme elle le fait pour baish [bˈajʃ]. Il n'y a donc pas lieu d'écrire autre chose qu'esgarraushar. D'ailleurs, on écrit Aush, sans i, pour plus de clarté!
*ESMIRAGLAR
Ce mot vient de miracle. Étant donné qu'on écrit miracle avec c, même si une prononciation [miˈɾaggle] est possible, on doit écrire esmiraclar; cela ne change rien à la prononciation. Le dictionnaire d'Alibert et celui d'Ubaud donnent pour le languedocien amiraclar, même sens.
G
*GORBET
Ce mot, qui signifie "oyat", "roseau des sables", doit être orthographié gorbeth puisque un terrain où cette plante pousse en abondance est un gorberar (Gourbéra, toponyme).
*GUA
Ce mot, qui signifie "gué", vient du latin VADU. Or, certains parlers prononcent [gwat]. Il convient donc d'écrire guad.
*GUITNAR
Ce mot signifier "sauter, sautiller, ruer", et arreguitnar signifie "ruer'. Or, le dictionnaire de Foix donne <arreguisna> "regimber, ruer". On doit donc écrire guisnar, arreguisnar.
H
*HAUBE
Ce mot signifie "fauve" (la couleur). Le Tresor dóu Felibrige donnant des formes avec v, on doit écrire hauve. Ici, le Per Noste se trompe avec les dictionnaires de Laus et de Lagarde.
*HESTENAU
Le dictionnaire de Per Noste est le seul qui donne *hestenau. Les deux autres dictionnaires gascons donnent hestau et les trois dictionnaires donnent un second mot, hestejada. Hestau et hestejada conviennent tous les deux: ce sont des mots authentiques, bien attestés. Quand à hestenau, c'est la gasconnisation artificielle du languedocien festenal. Si on tenait à emprunter ce mot au languedocien, les lois phonétiques qui font passer, en gascon, -al final à -au et f à h ayant cessé de jouer depuis plus de mille ans (!), on ne pourrait qu'avoir une forme festenal. Mais un tel emprunt est inutile puisque le gascon a déjà deux mots. Par ailleurs, la traduction que donne Alibert de festenal étant "grande fête de l'année", la forme gasconne correspondante est hèsta annau.
*HORSÈRA
Ce mot venant du latin FORCELLA, on doit écrire horcèra.
L
*LAMBROR
Ce mot signifie "lueur". Or, il existe aussi une forme eslambror: ... d’aqueras annadas on comencèi a víver de la vòsta ahida, non demora en jo qu’ua eslambror de saunei... (Casebonne). Par ailleurs, Alibert donne reflambor, "réverbération". Il convient donc d'écrire hlambror (et hlambre, "éclair", mot employé en Bigorre).
N
*NONARREN
Ce mot, qui signifie "néant", se prononce [nuaɾɾˈẽ], ou encore [nwaɾɾˈẽ]. On doit donc écrire non-arren.
P
*LOS PAIRS
Ce mot est une invention récente dans le sens de "parents" ("père et mère"). Quand Camélat écrit: De longtemps a tanben, los mens pairs que l’i sabèn au pè deu Puei, il veut dire "mes ancêtres". Dans le sens du français "les parents", on employait, on doit employer encore aujourd'hui, pair e mair, los pair e mair. Les exemples en sont nombreux chez les auteurs ayant eu le gascon pour idiome maternel:
Ara la flor de tons ans te convida / de leishar pair e mair per un marit (Garros): "Maintenant la fleur de tes annés t'invite / à laisser tes parents pour un mari."
Pair e mair, esmavuts, que’u demandàn qu’avè, e Jan que’us ac digó... (Larroque): "Ses parents, émus, lui demandèrent ce qu'il avait, et Jean leur dit..."
Quan pair e mair entrèn en casa... (Camélat): "Quand les parents entrèrent chez eux..."
Qu’auretz dit l’escolièr bergerèr qui’s pana l’escòla a d’escurs de pair e mair (Lalanne): "On aurait dit l'écolier peu scrupuleux qui fait l'école buissonnière en cachette de ses parents."
Vasut a La Boèira lo 30 de mai de 1844, qu’avè entà pair e mair Bartomiu Arnaudin e Maria Terèsa Bacon (Daugé): "Né à Labouheyre le 30 mai 1844, il avait pour parents Barthélémy Arnaudin et Marie-Thérèse Bacou."
Totas las gojatas de bitara que son caborrudas... I a pas manièra de’us díser arren! Que’n saben mei que pair e mair! (Palay): 3toutes les filles d'aujourd'hui sont têtues... Il n'y a pas moyen de leur dire quoi que ce soit. Elles en savent plus que leurs parents!"
Qu’ei triste de pensar que per aver gahat un mèrlo que soi autant caçat que s’aví tuat pair e mair (Casebonne): "Il est triste de penser que pour avoir attrapé un merle je suis aussi pourchassé que si j'avais tué mes parents."
Quins pair e mair e pòden deishar har aquò? (Yan de las Cadières): "Comment les parents peuvent-ils laisser faire cela?"
Lorsqu'il s'agit de plusieurs couples, on dira los pairs e mairs.
*PÉBER
La forme *péber est une innovation du dictionnaire de Per Noste. Il convient de revenir à pebe: puisqu'on écrit èster (naguère èste), en dépit de l'étymologie, le -r final de ces mots paroxytons (à accent tonique sur l'avant-dernière syllabe) étant réservé aux verbes. Ainsi, on écrira pebe comme libe sans considérations étymologiques oiseuses. Au demeurant, le latin PIPĔRE a sans doute fait d'abord, en gascon, *pebre, dont la prononciation s'est ensuite simplifiée en [pˈeβe] comme la prononciation de ?libre s'est simplifiée en [lˈiβe].
*PEUGUE
Ce mot, qui signifie "mer", vient du latin parlé *PĔLĂGU, pour latin classique PĔLĂGUS, du grec πἐλαγος. Palay donne la forme < pèugue >.
Palay a raison une fois de plus, puisque ĕ (e bref) du latin aboutit en è en gascon. La forme correcte est donc pèugue.
Q
*QUARESMA
Ce mot est graphié <coarésme̩> ou <carésme̩> dans le Palay: e̩ correspon au son [e] en fin de mot. L'étymologie latine est QUADRAGESIMA. S'agit-il d'un francisme, la terminaison [e] ayant été affectée par analogie à des mots masculins qui devraient avoir [ɔ], comme dans problèma ? Dans la mesure où le dictionnaire de Levy donne déjà des formes en -e, il y a bien analogie, mais c'est une analogie populaire qui ne doit rien à l'influence du français. On écrira donc quaresme, et on prononcera [kwaɾˈesme] ou [kaɾˈesme].
*QUE
Dans le dictionnaire et les publications de Per Noste, figure une double graphie: que interrogatif, sans accent, et qué, avec accent:
- Que dises ?
- Ne sèi pas de qué parlas.
C'est l'usage languedocien depuis Alibert. Selon nous, cet usage ne convient pas au gascon et il convient de s'en écarter. En effet, en languedocien, lorsqu'un mot commence par que, ce que ne peut être qu'un pronom interrogatif. En gascon, c'est la plupart du temps un énonciatif et il convient de signaler les cas où ce n'en est pas un. En outre, dans les interrogations indirectes, cela permet de distinguer interrogatif et conjonction de subordination. On écrira donc qué dans tous les cas:
Qué vòs ?
Ne sèi pas qué hè.
On comparera à cet égard:
Qué vas pescar?: "Que vas-tu chercher là?"
et
Que vas pescar?: "Tu vas pêcher?"
Dans une longue phrase, comme ci-dessous, on n'aura pas besoin de regarder s'il y a un point d'interrogation à la fin pour savoir qu'on a affaire à une phrase interrogative:
Mes qué diseram deu cant tresau tant asprut e tant encantaire en un còp, on, au ras deu brèç, e ploramiqueja la nèna, e deu lheit on la joena mair ei gahada d’un pos de frèbe, e van e tornan los de casa dens l’angüeisha, largant plors e gemits estupats? (Bourciez, traduction probablement de Camélat): "Mais que dirons-nous du chant III si âpre et si enchanteur à la fois, où, près de son berceau, pleurniche le bébé, et du lit où la jeune mère est prise d'une pousée de fièvre, et vont et viennent les membres de la famille, laissant échapper pleurs et gémissements étouffés?"
Aitor Carrera écrit dans sa Gramatica aranesa: "Donc, qué interrogatiu s’escriu tostemp damb accent grafic. Aquerò que permet de diferenciar, per exemple, Qué penses? (a on se demane se qué se pense) de Que penses? (a on se demane se se pense o pas)."
R
REMÉTER
Ce mot existe, bien sûr, en gascon, mais ce n'est que sous l'influence du français qu'il a pris le sens de "confier, donner, laisser". Le mot gascon authentique est liurar. Pour "la remise de prix", on dira lo liurament deus prèmis.
*ROTLÒTA
Pour désigner la roulotte des Tsiganes, ce mot est une invention: on disait autrefois carreta ou carriòt. Il convient de rétablir ces mots.
L’escabòt de morets que’n va, dret au sorelh, / a tot torn deu carriiòt on s’eslena un parelh / escarnat e grehós de magrilhassas gègas (Palay): "Le groupe de gens à la peau halée s'en va, droit vers le solel, / autour de la roulotte où s'essoufflent deux / juments très maigres décharnées et crasseuses."
Que'us vedèn arribar dab de vielhas carretas... (Joantauzy): "On les voyait arriver avec leurs vieilles roulottes..."
S
*SOTADA
Une prononciation avec diphtongue de ce mot est attestée: [sewˈtaðɔ]. On a dû avoir à l'origine [sɔwˈtaðɔ]. Il convient donc d'écrire soutada.
T
TÒCA
Ce mot n'est pas donné comme traduction du français "but" dans le dictionnaire de Per Noste. Gilbert Narioo allait répétant qu'il "ne l'aimait pas". Indépendamment de son appréciation personnelle, il reste que ce mot est attesté depuis au moins 80 ans et que ce n'est donc pas une invention récente:
Òr, har ua òbra que deu estar la nosta ambicion, la nosta tòca (Simin Palay, en 1939): "Or, faire une oeuvre doit être notre almbition, notre but."
L’I.E.O. de Tolosa... qu’a podut reünir un escabòt de regents e de professors occitans qui an pres per tòca de har compréner aus lors collègas quaus son las bonas metòdas, a l’escòla rurala sustot. (Reclams de mars 1958): "L'I.E.O. de Touloue... a pu réunir un groupe d'instituteurs et de professeurs occitans qui ont pris pour but de faire comprendre à leurs collègues quelles sont les bonnes méthodes, dans les écoles rurales surtout."
V
*VARAR
Ce mot signifie "tourner". Or, en aranais, on emploie barar dans le sens de "danser": il s'agit du même mot, auquel correspond le catalan ballar, puisque celui-ci veut dire "danser", mais aussi "moure's una cosa en rotació ràpida damunt si mateixa." L'étymologie est le latin BALLARE. Il y a donc lieu d'écrire barar.
*VELHA
Si la forme velha est correcte dans le sens de "action de veiller, réunion où l'on veille", le mot qui signifie 'le jour précédent" est vèlha avec un accent grave: tous les dictionnaires anciens en attestent, depuis le Tresor dóu Felibrige jusqu'au Palay. Or, on attendrait une fome avec [e], remontant au latin VĬGĬLIA: ĭ (i bref) du latin donne e en occitan. En fait, vèlha est un francisme: "veille" se disait vèspra (féminin) en ancien occitan, vrèspa en gascon, comme en font foi le Petit dictionnaire provençal-français de Levy et le Lespy. Soit on refuse le francisme vèlha et on opte pour vrèspa (vèspra ailleurs qu'en gascon), soit on emploie le francisme vèlha; mais il n'y a pas lieu de créer une solution bâtarde consistant à donner à vèlha la graphie qu'il devrait avoir en vertu d'une étymologie supposée. Vèlha, donc.
*VESTISSI
Ce mot vient du latin VESTE + suffixe -ITIU et doit donc être orthographié vestici.
DEUX POINTS CONCERNANT LA GRAMMAIRE
L'association Per Noste a malencontreusement introduit une graphie contestable concernant un point de grammaire, et, ce qui est plus grave, un barbarisme grammatical:
*A'U QUI
Comme on le sait, on écritau (sans apostrophe), et de même deu, entau, etc. dans:
Qu'èi balhat lo libe au professor.
et a'u (avec apostrophe) dans:
N'èi pas pensat a'u díser de viéner.
Partant de là, et croyant sans doute bien faire, Per Noste a introduit la graphie avec apostrophe devant les pronoms relatifs:
- Que digoi lo men estonament a'u qui m'ac contava.
Or, dans au professor, au est pour a + lo, et lo est l'article défini. Dans a'u díser, lo est un pronom personnel.
Qu'en est-il dans *a'u qui m'ac contava? Eh bien, on a ici affaire à 'u, forme contractée de lo, qui représente l'article défini. Il est certes ici dans son emploi pronominal, mais sa nature est toujours "article défini"; cf. la fiche 3. B. L'emloi pronominal de l'article défini.
Il faut donc écrire Que digoi lo men estonament au qui m'ac contava, comme on écrit Qu'èi balhat lo libe au professor, et comme on écrit par ailleurs Au lòc de dar lo libe au vesin de Maria, que l'èi dat au de Sandrina, où on a également affaire à l'article, dans son emploi pronominal.
*NOVÈLAS MEI
- *Novèlas mei ne veut pas dire "autres nouvelles", "d'autres nouvelles". Cela se dit autas novèlas, d'autas novèlas.
- Toutefois, on peut employer mei après un nom avec le sens de "autre", mais seulement en présence d'un numéral ou d'un quantifiant:
quate mei charpantèrs [sic] (Lalanne): "quatre autres charpentiers"
shens aver nat mainatge mei (Hustach): "sans avoir aucun autre enfant"
quant de plasers mei (Yan de Sègues): "combien d'autres plaisirs"
Toutefois, il est plus courant de dire autes quate hustèrs (plutôt que *quate autes hustèrs, construction francisée), nat aute mainatge.
- Dans tous les autre cas, cet emploi de mei postposé, au sens de "autre", est un barbarisme à éviter absolument.