Différences entre les versions de « 3. B. Les énonciatifs (1) »

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=== Conditions d'emploi ===
=== Conditions d'emploi ===


* L'énonciatif ''QUE'' s'emploie dans les propositions indépendantes ou principales '''affirmatives''', sauf lorsque le verbe est à l'impératif:
* L'énonciatif ''QUE'' s'emploie dans les propositions indépendantes ou principales '''affirmatives''':


'''Que cerquèn.''' (Palay)
'''Que cerquèn.''' (Palay)

Version du 17 mai 2020 à 19:16

Le verbe gascon est généralement précédé d'un énonciatif, c'est-à-dire d'une particule qui n'a pas par elle-même de contenu sémantique ou en a peu.

Il existe plusieurs énonciatifs: be, ce, e, ge ou ja, que. On emploie l'un ou l'autre selon le type de phrases.


Généralités

L'énonciatif se place devant le verbe: Que canti. C'est le cas même lorsqu'il y a un sujet exprimé: Los escolans que cantan. Seuls les pronoms personnels compléments peuvent s'intercaler entre l'énonciatif et le verbe:

E me n'averatz donc hèit pro? (Palay)

L'aujor deu sorelh que'us hè arríder. (Bordeu)

Bèstias que'us m'avetz dats, e bèstias que'us vse torni. (Sermon deu curè de Vidèren)

L'énonciatif QUE

Conditions d'emploi

  • L'énonciatif QUE s'emploie dans les propositions indépendantes ou principales affirmatives:

Que cerquèn. (Palay)

  • On le trouve dans des phrases exclamatives:

Qu'arriderén per la Gasconha! (Camélat)

Quin saber-har qu'auré calut! (Camélat)

  • On le trouve dans des phrases interrogatives lorsque la réponse attendue est oui (Voir aussi plus bas: l'énonciatif E):

Que ploras? (Abadie)

  • QUE s'élide en QU' devant voyelle:

Qu'èi hèra de cuentas.

Toutefois, l'élision est facultative devant le pronom i:

Que i a monde. Qu'i a monde. Que i soi anat. Qu'i soi anat.

  • On ne l'emploie pas devant les verbes à l'impératif:

Cara't!

  • On peut ne pas le répéter lorsque deux verbes se suivent:

Lo paisan qu’ei estat e serà tostemps lo prumèr soldat de França. (Massartic)

  • Outre les cas précédents, QUE n'est omis que dans un petit nombre de cas, toujours les mêmes: les verbes pensi, pensatz, sabes, sabetz, vedes, vedetz, pàrii, employé pour renforcer l'affirmation ou prendre à parti l'interlocuteur; et d'autre part la locution pòc (/chic) se'n manca:

N'averà pas pensi hami de s'i tornar. (phrase entendue)

Pensi, ja! (id.)

N’èm pas a la glèisa mes en çò de Jantinon, sabes ! (Camélat)

Crabèr, qu’as dromit tu mei que jo, pàrii, e mei que lo ton can Piguet. (Camélat)

Los ordis de la direccion qu’arribavan au bar Ondo ibili, sabes, a la calle Cuchirellía (Arantxa)

Cada mesada, o chic se’n manca, que parlan d’eth dens las hèstas, dens las revistas, dens los jornaus. (Camélat)

On dit aussi très fréquemment M'estonaré!, sans énonciatif.

Particularité pyrénéenne

En gascon pyrénéen, le pronom sujet òm s'insère entre l'énonciatif et le verbe. Il en est ainsi même lorsqu'un pronom personnel complément est présent:

... mès carar qu’òm les hec dab es trèits des barestes. (Sarrieu): "Mais on les fit taire avec des traits d'arbalètes"

Au miei deu hum espés, qu’òm los veièva a penas... (Abadie)

Ancienneté de QUE

L'énonciatif QUE est attesté depuis au moins le XIIIe siècle:

Que-u deven bier los Aspees davant. (for d'Aspe, in Lafitte: Le que énonciatif gascon dans l'histoire)

Eg que lo liura au senescauc de Gasconhe. (chronique béarnaise)

Que n'i abe que hasen retreyt. (Récits d'histoire sainte)

Aire d'emploi de QUE

QUE s'emploie dans toute la Gascogne, à l'exception du Val d'Aran, de la Gascogne toulousaine, de la Lomagne, de la plus grande partie du Lot-et-Garonne gascon et de la Gironde.

Il existe deux zones, l'une au sud de la Gironde et l'autre au centre du Gers, où il apparaît par intermittence. Dans tout le reste du domaine gascon, son emploi est systématique.

L'énonciatif E

Conditions d'emploi

1. L'énonciatif E s'emploie devant le verbe principal des phrases interrogatives, lorsque le verbe est à la forme affirmative et qu'aucune réponse en particulier n'est attendue :

E vòs vin?

Quant de sòus e demandas per aqueth tribalh?

2. On ne doit pas l'employer lorsque le verbe est immédiatement précédé d'un mot interrogatif (adverbe, pronom) tel que quan, quant, qui, on, quin, quau, qué...:

Quan tornaràs?

Qui coneish aqueste libe?

On demoras?

Quin te va?

Quau vòs?

Qué hès?

3. Toutefois, lorsque le mot interrogatif compte plus d'une syllabe, ou est formé de plus d'un mot, E réapparaît fréquemment:

Perqué e m’as voluda seguir ? (Lavit)

Tà qué e'u vòs?

4. E disparaît devant voyelle: on ne l'emploie pas à l'oral et on ne l'écrit pas:

Ei atau?

Quant de sòus as demandat per aqueth tribalh?

Devant le pronom i, il peut rester présent ou disparaître:

E i vas?

I vas?

5. Lorsque le verbe est employé à la forme négative, E n'est jamais employé:

N'as pas hèit lo tribalh?

Quin non serí trista e dolenta pusque m’i serà de mancas la mainada de qui seguívam qu’a sheis mes tà devath tèrra ? (Camélat)

6. Lorsque deux propositions interrogatives sont reliées par la conjonction o, devant le deuxième verbe, plutôt que E, c'est la conjonction se (/si) qu'on emploie:

E i vas adara o se vòs aténder drin?

Il arrive même que cette conjonction se (si) introduise une interrogation unique:

Madamisèla, se vs’agradan las cerisas ? (Casebonne)

7. E peut également introduire le verbe des phrases déclaratives lorsque le verbe est précédé de lhèu, renforçant ainsi le sens de virtualité contenu dans ce mot:

Atau lhèu e s’ac virarà de plan. (Javaloyès)

Mais on ne le trouvera pas lorsque le verbe est à la forme négative:

Lhèu non s’ac vau. (Camélat)

8. E peut s'employer dans les incises, voir plus bas.

Remarque: on évitera d'employer l'énonciatif E devant un verbe ou un groupe verbal suivi de E conjonction de coordination:

Qu’esperam que l’Ofici public de la Lenga occitana qui ei per se crear, poderà e volerà, dab los mejans qui’u sian balhats, collocar dens los sons objectius la constitucion d’un tau hialat. (Javaloyès et nous-même: [1]

Localisme

Dans certains parlers, on trouve une particule E, qui n'est pas à proprement parler un énonciatif, en tête de toutes les phrases interrogatives:

E quin te va?

Cette usage est à rejeter à l'écrit.

Ancienneté de E

On trouve des exemples d'énonciatifs E dès le XVe siècle:

E so io, Senher? (Récits d'histoire sainte)

Aire d'emploi DE E

E s'emploie surtout en Béarn et en Bigorre:

E credetz que siam plan pagadas, nosautas ? (Palay)

E trobaràs tot dia un partit coma aqueth? (Abadie)

Il n'est pas employé dans la majeure partie des Landes, du Gers et du Comminges:

T'a parlada? (Sarrieu)

La costosishes? (exemple donné par Cénac-Moncaut): "Lui fais-tu la cour?"

L'énonciatif BE

1. À l'inverse des deux précédents, l'énonciatif BE peut être pourvu d'un certain sémantisme. En effet, dans les phrases exclamatives, il apporte à la phrase une nuance d'admiration, d'étonnement:

B'ès hèra beròja!: "Que tu es jolie !"

Be cantas plan!: "Comme tu chantes bien !"

2. Toutefois, il est souvent difficile de voir quelle nuance apporte BE. C'est le cas dans une phrase comme:

Mainats com lo ton frair, be’us estanca un mosquit ! (Camélat)

par rapport à ce que serait la même phrase avec l'énonciatif QUE.

3. On trouve également BE hors de tout contexte exclamatif, pour marquer une affirmation plus forte, une insistance:

Be veies que i a montanhas! (Sylvain Verdier): "Tu vois bien qu'il y a des montagnes !"

4. Assez rarement, BE peut avoir une valeur concessive:

Qu'anèm tà Avinhon e acerà, que'ns hasón visitar lo castèth deus papas. Jo ne comprení pas: b'èra a Roma, lo Papa!: "Nous sommes allés à Avignon et là-bas, on nous a fait visiter le château des papes. Je ne comprenais pas: pourtant, il était à Rome, le Pape!"

5. Dans les phrases négatives, BE indique qu'une réponse affirmative est attendue, plus fortement que si c'était QUE qu'on employait:

Be saps har a la canica? (Lafore): "Tu sais jouer aux billes, non?"; "Tu sais jouer aux billes, n'est-ce pas?"

6. Devant voyelle, BE s'élide et prend la forme B':

B’avèn suu cap milèrs d’annadas qui son pausas ! (Camélat)

L'énonciatif JA (ou GE)

JA est un énonciatif employé dans certains parlers, notamment pyrénéens, avec le même sens de BE dans le cas 3. Il se présente parfois sous la forme GE:

Eth bestiar ja pòden començar de pèisher ath torn des bòrdes. (anonyme, sans doute Sarrieu)

Que’u te vau recéber com cau ! E après, ja vederam! (Palay)

... los hèits e las pensadas / autant qui ac èi podut, ge las èi amassadas. (Bordeu)


L'énonciatif CE

1. L'énonciatif CE (formes locales: ÇA, CI, ÇÒ) introduit le verbe (díser, declarar, respóner, demandar, cridar...) dans les incises (voir: [2]):

E i ei Mossu’u curè ? ce demandà Jan Pièrra.

2. Différentes formes sont employées dans les régions gasconnes: ce, çò, qui semble être la forme originelle, ça, ci et même ço, à Bayonne.

3. CE s'élide et s'écrie C devant e et i, Ç devant les autres voyelles:

Vertat qu’ei, mes ton pair ne pensa pas atau, ç’observèi. (Arantxa)

4. On trouve CE même dans les rares cas où le verbe de l'incise es à la forme négative:

« Despuish tant ? » ci no’s podó retiéner de har Mossur de Labatut. (Palay)

5. Les auteurs modernes emploient cet énonciatif devant toute sorte de verbes:

Totun, ce s’entestava lo pairbon... (Peyroutet)

Tè, lo filme que comença, ce s'aluca ua cigarreta Glaudi. (Entermiei lordèras)

6. On trouve E dans le même emploi, surtout dans l'est de la Gascogne:

Ei donc hèit entà lege's ? e disèn lo monde. (Lalanne)